Soudainement tout s’accélère, Noël est chassé loin par le rythme liturgique qui s’intensifie. Nous allons plonger, dès demain, dans la vie publique du Seigneur avec plein d’événements, de rencontre... Mais ce point de transition, certes rapide, est spécialement riche pour nous, avec le baptême que reçoit le Seigneur. Il nous encourage notamment à être attentifs à trois attitudes de vie en chacune de nos existences. Celle du prêtre, celle du roi et celle du prophète…
Le Prêtre se retrouve dans l’attente longue, et même misérable de Jean Baptiste « je ne suis pas digne » mais attente, ô combien véritable, du nouveau qui viendra par un autre et que je ne puis qu’attendre dans la routine, sans pouvoir le susciter par mon action propre. C’est l’attitude de Jean mais c’est aussi l’attitude de Zacharie, d’Elisabeth, de Marie, de Syméon, d’Anne et bien d’autres, de tous ceux qui attendent un renouveau qu’ils ne peuvent porter eux-mêmes. Le seul enjeu, en cette durée : savoir attendre avec tout soi-même, et notamment avec le plus pauvre en soi, ne dira-t-il pas Jean, dans le doute : « es-tu bien celui qui doit venir ». L’humanité entière est, par-là, convoquée dans l’attente. Tenir, maintenir le possible simplement, laisser la porte ouverte comme le jardinier qui veille sur ses plantations… offrir cette pauvre planche de saut où un autre pourra prendre appui… dans une durée qui ne passe pas.
Le Roi : il surgit, il avance, il agit, il opère une mise en ordre en son nom de la situation présente, il initie, il pose un acte symbolique de rupture à partir de lui-même « En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth ». Alors une nouvelle situation s’engendre, ouvrant à d’autres encore le devenir. Tel est son enjeu de justice. La justesse, la justice requièrent de poser à vrai dire un acte d’humilité qui authentifie le don de soi qui s’opère dans l’éclat du surgissement comme jadis David qui va humblement et courageusement vers le colosse Goliath, prenant appui sur les modestes succès de ses chasses au lion et à l’ours de son adolescence, comme Salomon qui donne à la vérité de la situation entre les deux mères de se révéler par elle-même « donnez la moitié de l’enfant à chacune des mères ». Ce « Me voici » royal, en son fond, est fraternel. Il appelle les autres à devenir eux aussi et, par-là, donne de tisser le collectif de louange. Jésus accepte d’être en suspens, pour que d’autres puissent venir à sa suite. « Avec moi, aujourd’hui, tu seras au Paradis ». Jésus ouvre le temps, nous aussi, à sa suite, nous le pouvons, par notre propre engagement royal.
Le Prophète est suscité par la nouvelle situation et dispose les choses par sa parole pour que la situation produise son fruit profond. Le Père remet tout en perspective, il dit : « en toi, je trouve ma joie » et l’Esprit, en virevoltant, tisse les relations qui se transforment, s’unissent, pour s’engendrer d’elles même ensuite… Ce jeu est celui de la vie véritable qui, à la fois, prend souci du plus concret et ramène tout à Celui qui donne tout : le Père…
C’est ainsi que vit Jésus, aussi bien dans sa vie cachée que dans sa vie publique jusqu’en sa Passion. C’est aussi ainsi que nous sommes appelés à vivre nous-mêmes. Demandons humblement au seigneur, en ce jour, de savoir être comme il le faut, là où il le faut, quand il le faut : prêtre, en sachant durer en attente véritable de l’autre, roi, en sachant initier pour l’autre, les autres, prophète, en sachant déployer à partir de l’autre tous les possibles… Pouvoir en tout se donner pleinement et réaliser, ainsi, sa très sainte volonté au cours de cette année 2024.
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite