Jardinier de Dieu

Jardinier de Dieu

Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Dimanche 23 Février 2025 - 7ème dimanche du Temps Ordinaire, année C

Publié par Roland Cazalis, compagnon jésuite sur 22 Février 2025, 17:20pm

Catégories : #homelie_cazalis, #homélie_cazalis, #Méditation

Le fil rouge des textes du jour est l’adage qui traverse toutes les cultures et les traditions et que l’on nomme « la règle d’or ».
 
Elle est formulée négativement « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudras pas qu’autrui te fasse ».
 
Le rabbin Hillel l’Ancien est né à Babylone vers - 70 et mort à Jérusalem en 10, il devient la figure intellectuelle de la période du second Temple. « Toute la Torah » selon Hillel : « Ce qui est détestable pour toi, ne le fais pas à ton prochain » (Traité shabbat 31 a).
 
Dans cette mouvance, on considère que la règle d’or est une reformulation du commandement : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lévitique 19.18) ou l’essence des commandements du Décalogue qui se rapportent aux relations humaines.
 
Dans l’hindouisme, il est dit : « On ne peut pas se comporter vis-à-vis d’autrui d’une manière qui soit désagréable à soi-même ; telle est l’exigence de la morale » (Mahabharata XIII, 114)
 
Dans le bouddhisme : « Une situation qui ne m’est ni agréable ni réjouissante ne saurait davantage l’être pour lui ; comment pourrais-je dès lors la lui souhaiter ? » (Samyutta Nikaya V, 353.35-354.2)
 
C’est la sagesse des nations.
 
Il s’agit d’une mise en garde et donc d’une chose à ne pas faire.
Nous avons, dans l’épisode du conflit entre Saül et David, une expression de cette règle d’or, dans ce  début laborieux de la monarchie en Israël, un choix du peuple, pas un choix de Dieu.
 
Saül a désigné David comme chef de ses armées. Néanmoins, Saül devient jaloux de David à cause de ses succès et il cherche à le tuer. Voilà pourquoi David prend la fuite. Des gens vont le rejoindre et lui offrir leur aide.
 
Nous avons le geste hautement symbolique de David qui coupe le bord du manteau de Saül ou qui prend sa lance, ce qui signifie qu’il a été suffisamment proche de lui pour se venger selon les règles de la guerre, à savoir, neutraliser l’adversaire dès que l’occasion est favorable.
David ne se venge pas. Il respecte Saül, car c’est lui que Dieu a choisi par l’onction. Il respecte Dieu et respecte ses  choix. Par-là, il manifeste sa loyauté envers Saül et par conséquent envers Dieu.
 
Il attend que Dieu soit le juge entre lui et Saül. Cette justice-là est sûre.
 
Par cette attitude ; David montre qu’il a les qualités pour être roi, ce qu’il deviendra à son tour.
 
En fait, David a dépassé la règle d’or telle qu’elle est formulée dans la sagesse des nations.
 
David est déjà dans la formulation de la règle d’or que propose le Christ qui n’est plus une interdiction, mais une invitation.
La règle est formulée positivement « ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux ».
 
Ce n’est pas pareil ! Ce n’est pas « ne faites pas », mais « faites ! »  
Merci à l'auteur de cette image

Le Christ appelle à avoir de l’initiative, à devancer, d'avoir un temps d’avance par rapport à l’intention de l’autre.

 
Des gens ont cette prévenance envers leurs proches et leurs amis.
 
Certains vont plus loin et ont cette audace envers l’adversaire, une prévenance qui a pour effet de désarmer l’adversaire. Le psaume  dit :« domine jusqu’au cœur de l’ennemi », va jusqu’au pardon.
 
Rappelez-vous du crash de l'A320 de Germanwings (vol 4U9525), un accident aérien provoqué par le suicide du copilote Andreas Lubitz, qui a volontairement précipité son avion contre une montagne du massif des Trois-Évêchés près du Vernet dans les Alpes du Sud françaises, le 24 mars 2015.
Les 144 passagers et six membres d'équipage de l'avion qui reliait Barcelone à Düsseldorf sont tués sur le coup, soient 150 personnes.
 
Andreas Lubitz avait été traité pour des tendances suicidaires et déclaré « inapte au travail » par un médecin. Il avait gardé cette information, n'avait pas informé son employeur et s'était tout de même présenté au travail. Le médecin en question a dû avoir quelques regrets a posteriori.
 
Lors d’une cérémonie œcuménique à la cathédrale de Cologne, en présence d’Angela Merkel, 150 bougies ont été allumées à cet effet, une pour chaque victime, une bougie aussi pour le meurtrier.
 
Dans un premier temps, la famille d’Andreas Lubitz a essayé de le disculper en disant qu’il a été victime d’un malaise. Néanmoins, le pardon signifié par la bougie pour le repos de l’âme d’Andreas Lubitz symbolise bien le fait de devancer, de prendre de vitesse des justifications que ne sont plus nécessaires, car les victimes sont déjà dans un ailleurs anticipé. 
Seul le pardon donné par les familles des victimes peut leur permettre de reprendre le cours de leur vie.
Cela étant, le pardon n’a probablement aucun effet sur les pervers et autres esprits dérangés sous l’emprise de la pathologie. Ils prennent leur pathologie pour de la puissance et ne veulent pas en être dépossédés, c’est-à-dire en être guéris.
 
Une fois renversée la règle d’or par sa formulation positive, alors on abolit les limites qu’impose la formulation négative.
Il n’y a plus de limite, donc, nous sommes dans le paysage de l’amour, là où précisément il n’y a pas de toit de verre.
C’est seulement là que le salut prend tout son sens.
 
Le renversement de la règle d’or est total, il faudrait l’appeler la règle de diamant, car désormais c’est votre capacité d’amour qui vous singularisera, qui sera votre mesure, que montrera que vous êtes du Très-Haut.
Le Christ indique le « no limit » par cette exhortation choque : « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous calomnient ».
 
C’est absolument inouï et révolutionnaire !
Là, le christianisme fait une différence. Seuls les chrétiens authentiques peuvent poser de tels actes.
On est bien loin de l’opération de vengeance entreprise dans la bande de Gaza. Toute vie a de la valeur.
 
L’opération de vengeance montre que l’attitude que préconise le Christ ne va pas de soi. À la limite, ce qu’il demande est impossible. La chair, spontanément, veut se faire justice et même plus que la justice.  Il faut s’en rendre compte. Là, le volontarisme n’a aucune chance et il est heureux qu’il en soit ainsi.
 
Alors, comment y parvient-on ? 

Poser un geste d’amour de ce calibre suppose d’être sous la mouvance de la grâce.

En général, l’accès à la vie chrétienne à cette profondeur passe par un long chemin d’investissement dans la relation avec Dieu, une relation qui vous transforme, qui provoque l’extension de votre humanité et vous rend capable de pardonner l’impardonnable.
Roland Cazalis, Compagnon jésuite
1 S 26, 2.7-9.12-13.22-23 ; Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 8.10, 12-13 ; 1 Co 15, 45-49 ; Lc 6, 27-38
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