Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite
Bon dimanche à vous !
Que ta grâce nous obtienne, Seigneur, d'imiter avec joie la charité du Christ qui a donné sa vie par amour pour le monde. Voilà l’oraison que j’ai lue au début de notre célébration. Nous sommes bien loin de l’oraison du Mercredi des cendres Accorde-nous, Seigneur, de savoir commencer saintement, par une journée de jeûne, notre entraînement au combat spirituel : que nos privations nous rendent plus forts pour lutter contre l'esprit du mal. Insensiblement la pédagogie de ce temps de Carême nous a conduits à reconnaître notre faiblesse, à recevoir le pardon du Seigneur Tu es la source de toute bonté, Seigneur, et toute miséricorde vient de toi ; tu nous as dit comment guérir du péché par le jeûne, la prière et le partage ; écoute l'aveu de notre faiblesse : nous avons conscience de nos fautes, patiemment, relève-nous avec amour. Le quatrième dimanche de carême, dimanche dernier, nous invitait enfin à nous tourner vers Pâques : Dieu qui as réconcilié avec toi toute l'humanité en lui donnant ton propre Fils, augmente la foi du peuple chrétien, pour qu'il se hâte avec amour au-devant des fêtes pascales qui approchent. Et, aujourd’hui, nous demandons la grâce d’imiter avec joie la charité du Christ qui a donné sa vie par amour pour le monde.
Le temps du carême est un temps dynamique de transformation de nous-même qui au-delà de reconnaître notre péché, de recevoir le pardon nous invite à imiter le Christ. Ce qui n’est pas rien, nous en avons bien conscience… Alors une question s’impose à nous : comment imiter une personne ? Ce n’est certainement pas la copier de l’extérieur. Ignace propose de demander la grâce de la connaissance intérieure du Seigneur, de cette connaissance intérieure découleront alors comme naturellement des gestes, des attitudes que nous mettrons en osmose avec le Seigneur, et qui viendront également du fond de notre cœur, conciliant ainsi parfaitement sa volonté et la nôtre.
Soyons pratiques et demandons-nous si nous pouvons entrer maintenant dans la connaissance de l’attitude de Jésus dans le conflit auquel il fait face avec les scribes et les pharisiens qui lui jettent dans les pieds une pauvre femme pour le mettre lui en défaut… peut-être, pourrons-nous y puiser pour notre propre gouverne, là où nous sommes, des indications précieuses d’attitude de vie…
Que fait Jésus ? Sur quoi s’appuie-t-il pour traverser, pour aimer le monde, c’est-à-dire ici, aimer la femme mais aussi la foule ainsi que les scribes et les pharisiens, et également son Père et aussi lui-même… Vous trouvez peut être que la liste est longue… Mais c’est peut-être le secret du Seigneur… il considère chacun et tous, il n’oublie aucune personne. C’est ainsi que nous pouvons comprendre son geste de se mettre accroupi au sol… il rejoint la terre de la situation qui est la terre de la solution. Il se réouvre à la présence de tous au-delà de la violence qui lui a été faite… il laisse se former en lui, germer en lui, une attitude de réponse pour tous… et pour chacun… il répond à la question « et toi que dis-tu ? » mais pas dans les livres, les théories, il répond à même le sol et il répond à chacun : aux agressifs « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » puis à la femme « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » Il conforte par là tous les autres spectateurs…
Oui sachons imiter le Seigneur en considérant la situation dans laquelle nous sommes pris en nous y ouvrant pleinement… Nous pouvons rejoindre alors les recommandations du Pape François dans ses quatre principes d’action et y trouver une aide. François dit que « La réalité est plus importante que l’idée » d’abord je me libère de mes préjugés, des injonctions qui me sont faites… Ainsi, ce n’est pas directement à la question théorique que je dois répondre dans la catégorie du « bien ou mal », mais d’abord à la situation présente comme pour Jésus avec la situation d’une femme agressée et de personnes pris par la colère et d’autres les spectateurs abasourdis par la violence… Savoir aussi que je dois essayer de répondre à tous, je ne choisis pas l’un contre l’autre, je ne juge pas, je ne condamne pas car « L’unité prévaut sur le conflit ». Le bien qui se cherche dans cette situation va bien au-delà de la résolution d’un problème particulier. A vrai dire, je suis appelé à chercher la paix pour tous, comme Jésus a cherché le bien pour la femme mais aussi pour les agresseurs saisis de colère mais aussi pour ceux qui étaient réunis par son enseignement, ballotés par cette intrusion. Ce qui se cherche au fond en toute situation va bien au-delà de la solution pratique, c’est le Royaume de Dieu, la paix universelle « le tout est supérieur à la partie ». A partir de là, je puis déployer une résolution de conflit, et comme Jésus qui se lève et dit quelques mots puis se remet en situation d’attente et après se remet à dire quelques mots… Car « le temps est supérieur à l’espace » car le mystère de Dieu travaille lui aussi à la réconciliation en travaillant dans les cœurs, tous les cœurs. C’est ce qu’a fait Jésus, c’est ce que je puis faire en ayant, grâce à la contemplation, acquis une idée plus claire de l’enjeu fondamental, alors mon action s’ajustera, car elle sera coaction, travail en commun avec la liberté du Père, avec la liberté de mes frères les hommes…
Sachons prendre le temps de contempler sans cesse la manière de vivre, de faire du Seigneur. Bientôt, nous serons invités par l’Eglise à marcher à la suite de Jésus, pas à pas dans sa passion, recevant force de sa faiblesse, énergie de son accablement… Amen !
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