Jardinier de Dieu

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Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


11e dimanche du Temps Ordinaire - 13 juin 2021

Publié par Roland Cazalis, compagnon jésuite sur 12 Juin 2021, 16:59pm

Catégories : #homelie_cazalis

Regardons le déroulement des événements depuis la Révélation dans le contexte de la Mésopotamie ancienne.

 
Il y a d’abord la constitution du peuple hébreu, que nous appelons Israël pour simplifier. La création d’un peuple par une parole de Dieu.
 
Dieu dit « que soit ! » Mais ce « que soit » se déploie dans le temps avec beaucoup de soubresauts.
 
Mais en même temps, se déploie une dialectique appelée « Israël et les nations ».
 
On doit dire que la dialectique « Israël et les nations » se poursuit, au Moyen Orient, en Europe, et partout où les Hébreux ont pris racines.
 
Avec l’avènement du Christ est venue s’immiscer dans ce débat une troisième catégorie dénommée « le Royaume », qui transcende les peuples et les territoires. Il ne s’agit pas d’une négation des territoires et des peuples, mais l’absence d’exclusivité en termes territoriaux et ethniques.
 
On pourrait croire que chronologiquement, le Royaume est le dernier venu. En en réalité, le Royaume est le projet initial ou le projet.
 
Mais celui-ci devait prendre racine pour se déployer dans le temps.
 
Voyez, on est toujours déjà dans la dynamique de l’Incarnation, une dynamique qui va franchir un seuil critique avec celle du Christ. Ensuite, la Parole devra aussi prendre racine dans tous les êtres humains qui adviendront.
 
Quelle peut être la figure du Royaume, ou du moins, quels peuvent être ses traits?
 
 Je crois que l’un des traits correspond à la valeur de l’être humain à ses propres yeux, sa dignité. La valeur ne s’arrête pas au cercle de l’entre-soi, mais elle est reconnue chez l’autre homme, là-bas, au-delà des mers et des montagnes et que je ne connais pas.
 
De ce point de vue, le Royaume ne se développe pas de manière continue partout. Il passe par des phases d’arrêt. Il est parfois bafoué ; on peut même le croire anéanti à certaines périodes. Mais, il ne disparaît pas.
 
La métaphore végétale qu’utilise le Christ est très proche de la réalité.
 
En effet, par rapport au trait qui nous sert de guide, le Royaume a tendance à se déployer comme un arbre-clonage, comme le peuplier par exemple, ou comme les céréales.
 
Les racines peuvent courir sous terre et faire apparaître un nouveau rameau, éloigné du massif initial, mais c’est toujours le même végétal, le même arbre, mais divisé en rameaux.
 
L’exemple emblématique ou le champion toute catégorie est le Pando (‘je m'étends’ en latin) est le nom donné à une immense colonie clonale de peupliers faux-trembles (Populus tremuloides), située à l'ouest des États-Unis dans l'Utah.
Cette colonie est considérée comme un individu unique. Elle est l'organisme vivant le plus lourd et le plus âgé de la planète, avec une masse estimée à 6 000 tonnes, et un âge de 80 000 ans. Constituée de 40.000 arbres, tous des clones issus de la même racine, la colonie couvre 43 hectares.
Toutefois, cet âge n'est pas confirmé par les scientifiques, car il n'existe pas de méthode fiable pour calculer l'âge d'un peuplier faux-tremble clone.
 
On peut couper un rameau : il repoussera plus tard, sur le même lieu ou plus loin, là où ce sera viable.
 
Ce genre de perte se produit chez nous quand l’humanité passe par des périodes aiguës de dysfonctionnement, ce que l’on appelle des crises, des moments de ruptures, où peuvent se commettre toutes sortes de méfaits et d’atrocité.
 
Néanmoins, les valeurs ne sont pas oubliées pour autant, car immédiatement après, ce sont ces valeurs qui jugent les coupables, avant même l’instruction d’un procès.
 
L’exemple type de ce jugement est signifié par les nazis qui essaient vainement de détruire le four crématoire du camp d’extermination d’Auschwitz à l’approche des alliées. Par ce geste, ils se sont déclarés coupables, c.-à-d. qu’ils avaient bien conscience de mal faire, mais ils ont préféré persévérer dans leur malfaisance.
 
Pour moi, le Royaume se manifeste, inter alia, par ces valeurs élevées qui gagnent peu à peu les cœurs et les consciences, en dépit des résistances multiples.
 
Ce sont des valeurs qui permettront de dépasser le mal commis dans le passé, comme les génocides, les assujettissements explicites ou déguisés, etc.
 
Parmi ces valeurs, il y a le pardon, et surtout, le pardon de l’impardonnable.
                                                                                   
Voilà pourquoi l’on parle de Royaume, et non pas seulement d’un simple progrès social ou culturel, car a priori, le pardon de l’impardonnable n’est à la portée de personne. Seul l’Esprit peut opérer le pardon dans notre cœur.
 
Bien entendu, le pardon de l’impardonnable n’a rien à voir avec le pardon politique qui est la reconnaissance du crime par une autorité représentant les fautifs. C’est un geste important pour l’humanité.
 
D’ailleurs, il n’y a pas de réparation pour ces terribles crimes du passé, ni pour aucun crime d’ailleurs. En revanche, il reste la possibilité de la guérison des survivants, si le pardon parvient à traverser leur cœur.
 
Voilà donc ce que permet la dynamique qu’est le Royaume.
Roland Cazalis
Ez 17, 22-24 ; Ps 91 (92), 2-3, 13-14, 15-16 ; 2 Co 5, 6-10 ; Mc 4, 26-34
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