Nous avons pris de la distance par rapport aux événements originaux du jeudi saint, voilà pourquoi nous pouvons les célébrer.
Le jeudi saint est assez spécial, car le Christ accomplit deux gestes inédits qui parachèvent, par anticipation, sa trajectoire et révèlent la portée de sa personne, l’autorité de sa personne, le sens de sa personne.
Que fait-il ?
Il prend un repas fraternel avec ses disciples au cours duquel il rend grâce à Dieu, au Père céleste, comme on le fait aujourd’hui avant de prendre le repas.
On ne bénit pas ce que l’on mange, mais on rend grâce à Dieu pour ce qu’il nous donne, y compris la fraternité des convives, car le repas a toujours la saveur de la fraternité des convives autour de la table.
Dans ce geste de rendre grâce, de dire le bénédicité, le vivre et le couvert, c’est lui-même.
Voilà ce qui sera signifié sur la croix. Une chair pour nourrir le monde et abreuver le monde.
Le geste du lavement des pieds que nous rapporte Jean est complémentaire du repas, mais fait partie du bénédicité.
Il rend grâce au Père également pour ceux que le Père lui a donnés, les Douze, voilà pourquoi ils vont avoir part avec lui. Ils sont devenus sa propre chair.
Lors de ce geste, il se dépouille de ses vêtements de maître, comme il s’est dépouillé du rang qui l’égalait au Père, pour prendre le rang de celui qui sert, de celui qui est envoyé sans volonté propre à exercer.
Puis, il reprend ses vêtements.
Il sait descendre, et il sait remonter. Il est souple à la volonté de Dieu. Il sait passer du ciel à la terre et de la terre au ciel. Il sait passer du statut du maître à celui du serviteur et de celui de serviteur à celui de maître. Il sait passer de Dieu à l’homme et de l’homme à Dieu, sans jamais laisser l’un ni l’autre.
Ensuite, il dit à ses disciples, aux Onze, qui ont accepté qu’il soit ce qu’il est, le maître et le serviteur et non pas un tyran tout puissant qui exerce une ténébreuse séduction sur certains.
Il dit « faites ceci en mémoire de moi ».
Faites de votre existence, le même geste, en mémoire de moi. Je suis avec vous.
Vivez la même fraternité en mémoire de moi. Je suis avec vous.
Partager le repas fraternel en mémoire de moi, je suis au milieu de vous, et cela, jusqu’à ce que je revienne et que je récapitule toute chose.
Il est bon que ce soit Paul qui, le premier, nous rapporte les gestes du repas fraternel de la cène. En effet, les lettres aux corinthiens (57) ont été écrites avant les synoptiques (Mc 64 ; Lc 80 ; Mt 80-90).
En effet, Paul n’était pas présent lors de ces événements. Il les a reçus, comme nous, par transmission de la foi.
Donc, sur ce point, Paul est un « chrétien lambda » qui témoigne de ce qu’il a reçu dans la foi.
Paul est l’apôtre qui est le plus proche de nous aujourd’hui.
Il partage nos conditions, à savoir, nos interrogations, les protestations de notre raison face à ce nouvel ordre des choses ; et la grâce, qui finalement, fait tout basculer.
Bien entendu, avec la distance, et dès le XIe siècle, les théologiens se sont confrontés à propos de ce fameux repas pour définir son statut.
En cette occasion, les théologiens se sont transformés en géomètres ou en physiciens de l’atome.
Nous connaissons la durée de demi-vie de l’uranium 235 qui est de 700 millions d’années.
Mais, quelle est la durée de la demi-vie de l’hostie en tant que corps du Christ, une fois consacrée ?
En voilà une question !
Ces géomètres ont simplement oublié qu’il s’agissait d’un repas fraternel.
Ils ont simplement oublié la dimension fraternelle de l’événement.
C’est la fraternité autour du Christ.
Or, la fraternité ne limite pas. La fraternité permet.
Elle permet jusqu’où on est disposé à aller.
En conséquence, le Christ ne pose pas de limites. Nous, nous posons les limites jusqu’où nous voulons aller avec lui, y compris dans le geste eucharistique à anticiper et à répéter son geste.
En effet, quand Jésus dit « faites ceci en mémoire de moi », ce n’est pas nous qui avons le pouvoir.
Notre seul pouvoir consiste à apporter le pain et le vin.
Le geste essentiel lui revient de droit.
Sans la puissance du Christ, notre pain reste pain et notre vin reste vin.
Si nous minimisons la parole et la promesse du Christ, alors nous remettons en cause tout ce qu’il est.
Tel fut le drame de Judas.
Le Christ a simplement posé une limite à la présence de Judas lors ce repas fraternel, en lui demandant de partir pour accomplir son œuvre, afin que la communion dans cette pièce puisse avoir lieu.
En revanche, la fraternité du Christ envers Judas est restée sauve.
UNAMUR-RCA
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