L’événement Pâques est associé à la joie de la résurrection. Néanmoins, à cause de la passion, la joie est transfigurée par rapport à celle que nous connaissons habituellement. En effet, la passion n’est pas comme un marathon dont l’athlète dirait : « Je l’ai déjà traversé plus d’une fois et, en dépit du passage par le néant à partir du trentième kilomètre, j’ai chaque fois retrouvé la légèreté que procure le passage de la ligne d’arrivée. » Le marathon a la vertu d’être le modèle réduit d’un parcours de vie. Tout y est présent. Après le désir et la préparation, vient enfin le jour de l’ébranlement de la meute, un parcours que l’on voudrait sans sorties de route, comme la vie même. Une fois l'événement lancé, il y a l’encouragement du public, une attention précieuse qui va droit au cœur. La fraternité qui naît entre les athlètes. Le soutien apporté à ceux qui montrent des signes de faiblesse. Puis, vient l’entrée dans le dur. Endurer sans se plaindre. La foi vous porte quand les forces physiques menacent de vous lâcher à tout moment. Alors, comme par miracle, la ligne d’arrivée vient à votre rencontre comme le père qui accueille le fils prodigue. Voilà sans doute pourquoi le marathon est si populaire au Japon. Cet exercice spirituel vous initie à l’art d’être humain. En réalité, chaque marathon est unique. Aucun ne vous prépare au suivant.
Le parcours qui va de la passion à la résurrection est unique et ne peut être répété. De fait, Dieu opère dans l’unique. Il est le maître de l’unique. Dans l’événement Pâques, la passion est très instructive. Celles et ceux qui ont la grâce de courir en présence de Dieu connaissent un moment singulier où ils doivent investir dans la relation ce qu’ils ont de plus précieux, ce qui les caractérise, ce qu’ils doivent remettre au Père céleste.
Ce qui est investi est déjà transfiguré lors de la présente course. Ce qui est conservé sera retenu dans les griffes du néant. Le Christ a tout remis, en dépit de l’instinct de conservation, qui marqua un temps, son opposition, une preuve s’il en est de son enracinement profond dans l’homme. Seule la confiance en celui à qui l’on se remet permet de le surmonter.
Dans cet étrange commerce qu’est l’art d’être humain, nous utilisons le vocabulaire offrande/sacrifice pour signifier le don de nous-mêmes. L’offrande caractérise bien l’acte de se remettre. En revanche, le terme sacrifice reste connecté au rituel sacrificiel, qui ne concernait que la victime offerte. Il est souhaitable que ce ne soit pas le meilleur de nous-mêmes qui se perde ou finisse dans le néant. Notre investissement dans la relation à autrui nous fait également entrer dans le mystère de Dieu. Alors, nous connaissons ce qu’a connu le Christ ; nous goûtons à sa joie transfigurée.
Roland Cazalis, compagnon jésuite
In : Lien d’information de la paroisse Saint-Paul Numéro 14 : mars 2024