Jardinier de Dieu

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Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Jeudi Saint

Publié par Roland Cazalis, compagnon jésuite sur 28 Mars 2024, 13:09pm

Catégories : #homelie_cazalis

Merci à l'auteur de cette image

Le jeudi saint est la pâque de la sérénité. Il s’agit d’un passage, d’un changement d’époque dans l’histoire du cosmos.

On peut revenir sur le premier passage (pâques) où un ramassis de gens va devenir un peuple par un mémorial. La mémoire permet d’inscrire le passé dans le présent et de permettre au présent de se déployer dans le temps.

On voit les déterminations de l’époque, c’est-à-dire le rituel sacrificiel ! Il convient de ne rien changer pour l’heure. Une chose à la fois ! Le but est de faire société, instaurer une nouvelle communauté dont Dieu est le cœur, le guide et le créateur.

Le passage que fait le Christ nous est rappelé dans la lettre de Paul aux communautés de Corinthe (1Cor 11,23-26), puisqu’il est omis chez l’évangéliste Jean (Jn 13, 1-15).

L’eucharistie est un paradoxe, car c’est le lieu d’un dépassement.

La loi de la chair ou la logique de la chair (sarx) , c’est-à-dire la corporéité, à savoir, un corps parlant, sentant, désirant, actant, mais aussi un corps culturel, porteur d’une mémoire, d’une histoire, d’un avenir. Ce n’est pas seulement le corps matériel (soma), c.-à-d. une masse animée.

La chair croit un peu spontanément que c’est le sang qui a de la valeur, donc c’est le sang qui soulage, qui guérit, le sang le l’autre, fût-il un animal. De là découle la logique du rituel sacrificiel ou de la vendetta pour guérir du mal qu’un autre a commis.

On peut valoriser cette logique en disant que c’est une illusion, car le sang ne fait que soulager momentanément. On peut également valoriser positivement la logique de la chair en disant qu’elle n’est que prémonitoire d’une réalité qui doit se manifester avec l’avènement du christ, ou d’une réalité qui doit m’être révélée dans le cadre de notre temporalité.

Ainsi, en communiant à l’eucharistie, nous participons à ce qu’est le Christ comme logos, à son incarnation, à sa passion, à sa résurrection. Voilà ce que signifie « avoir part avec lui ». Voilà ce dont la logique de la chair n’est que prémonitoire.

Si la logique de la chair en reste au sang versé comme catharsis, alors elle demeure dans l’illusion.

Dans la passion du Christ, on dirait que, dans un premier temps, le Christ semble tomber sous le coup de la loi de la chair. En effet, ceux qui le livrent et le mettent à mort veulent se guérir de leur jalousie et de leur ressentiment ! Le jaloux souffre atrocement, et pour lui, guérir, ou éliminer cette souffrance qui le broie de l’intérieur ne peut passer que par le sang de celui qu’il envie.

Mais le Christ ouvre la loi de la chair par le haut et l’accomplit. Il n’est pas pris, mais se livre. Il souffre certes, mais n’est pas tué, car il remet l’esprit ! Il ne disparaît pas en poussière pour toujours dans une tombe, mais ressuscite. À partir de là, l’ancienne loi de la chair n’a plus de prise sur lui. Ses détracteurs  ne peuvent plus le saisir. Il n’offre plus de prise à l’adversité.

Tout cela sera détaillé dans les célébrations de la passion et de la résurrection, jusqu’à la Pentecôte

Le geste du lavement des pieds a le même objet que le rituel sacrificiel. C’est un événement pour faire communauté, mais en s’ouvrant les uns aux autres, en se remettant les uns aux autres.
Ce qui peut mettre à mal le « faire communauté » est encore l’ancienne logique de la chair comme illusion, celle qui habite ceux et celles qui luttent pour les premières places, pour se faire servir ou se faire honorer comme le Satan de la Bible.

Or, la logique du lavement des pieds est plutôt celle du serviteur en chef, celle du premier serviteur qui est reconnu comme tel par sa fratrie.
Voilà les paradoxes que nous célébrons où le maximum est fait dans le minimum, où l’universel est institué dans un événement local, qui pourrait même passer inaperçu s’il n’y avait pas quelques témoins pour en faire mémoire. C’est d’ailleurs ce que nous faisons, ce que nous célébrons.

Roland Cazalis, compagnon jésuite

 

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