Les polémiques ne cessent d’assaillir Jésus et Jésus répond toujours avec une sagesse nouvelle, parce qu’éternelle. Pourquoi cela ? Parce qu’il part de la racine, de l’intention créatrice du Père, de ce que le Père vise en créant. A ceux qui veulent une réponse par case à cocher, en permis / défendu -ce qui, entre nous soit dit, après coup, autorise à faire ce que je veux dans cet espace conquis pour ma liberté tournée sur elle-même- Jésus répond : « Dès le commencement, le Créateur les fit homme et femme ». Jésus introduit ainsi une perspective, à partir de laquelle, la situation présente reçois son sens de création, de devenir, d’invention, de vie pleine, de vie en relation avec les autres, avec le Créateur. La question n’est plus le permis défendu mais la réception d’une parole de bénédiction et d’un chemin de création à vivre… d’une promesse, d’une vocation…
Et pour tout cela, d’où part Jésus ? comme toujours des personnes, lieu par excellence de la nouveauté de la création, et ici du couple. Notons le déplacement par rapport au texte de la genèse, « le Créateur les fit homme et femme » ce n’est plus un homme et sa femme, comme sortie de lui, c’est : homme et femme en stricte égalité. La création de l’homme et de la femme s’opère, en vérité, pour les deux en même temps, dans le même mouvement quelque part l’un par l’autre. Dans l’échange entre les deux, se poursuit l’engendrement créateur qui donne la vie. C’est une création à accueillir, à préserver et à faire croître. C’est une vocation. Le mariage est une vocation, « pour devenir une seule chair » : unir des différences qui demeurent. Cela requiert le consentement des libertés qui se disent « oui » et qui disent « oui » à ce labeur de création. Cela ouvre au risque du devenir, l’un par l’autre, l’un avec l’autre tout en s’ouvrant aux autres, tout en s’ouvrant à Dieu.
La création de l’humanité avec ses civilisations, ses inventions, ses découvertes, sa croissance étonnante, peut être comparée à un arbre, un grand arbre qui croît, s’élève dans les cieux et plonge ses racines dans le sol. Mais cette grandeur peut se scléroser. A vrai dire, elle ne reste vivante, en devenir, en croissance que grâce aux tout petits, aux bourgeons, que constituent les couples. Ce lieu minuscule mais réparti en tout son être, où le grand arbre reçoit, dans ces cellules demeurées en totipotence, de s’ouvrir au devenir créatif, d’entendre la promesse de vie véritable, bien au-delà de sa force apparente.
Recevons la promesse, tentons l’aventure risquée du mariage, sachons que cela peut mal tourner pour bien des raisons, qui ont certainement à voir avec l’ouverture de mon cœur au moment de l’engagement et dans la durée. Jésus ne disait-il pas que c’est « en raison de la dureté de votre cœur que Moïse avait accepté le renvoi de l’épouse ». Mais, là encore, la miséricorde du Père rejoint chacun et lui donnera de pouvoir avancer sur le chemin de la vie dans un cœur contrit.
Et sachons encore que la création ne s’épuise pas non plus en ce seul type de bourgeons. Dans ce grand arbre, il y a aussi d’autres bourgeons, merveille des merveilles « il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du royaume des Cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne ! » Que la création chante par tout elle-même la gloire du Créateur !
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite