Jardinier de Dieu

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Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Mt 16, 13-20 (Ré)-apprendre à parler

Publié par Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite sur 27 Août 2017, 17:18pm

Catégories : #evangiles_piste_reflexion

Matthieu 16, 13-20 En ce temps-là, Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. » Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne que c’était lui le Christ

Un passage bien connu des Evangiles, un moment, où nous le savons bien la relation entre Jésus et ses disciples change de nature, de par ce qui s’échange entre eux. L’occasion pour nous, certainement, de nous poser la question qu’adresse Jésus à ses premiers disciples : « Pour vous, qui suis-je ? ». Mais pourquoi ne pas se rendre également attentifs à la manière dont se déroule cette scène. Comment Jésus et ses disciples s’échangent, entre eux, des paroles. Se trouve là, peut-être, la possibilité pour nous d’habiter plus librement notre existence, de nous découvrir « êtres de parole ». Nous pouvons devenir bénédictions pour notre société. Cette société qui, peu à peu, hormis sur le plan de la transaction économique, rend nos échanges de parole de plus en plus souples, réversibles, substituables et, au bout du compte, inconsistants. N’avons-nous pas, tous ensemble, à retrouver le sens de la promesse, comme le disait Hannah Arendt, la philosophe politique, dans son livre la Condition de l'homme moderne (1961) « Contre l'imprévisibilité, contre la chaotique incertitude de l'avenir, le remède se trouve dans la faculté de faire et de tenir des promesses ».Découvrons le chemin que propose le Seigneur Jésus.

 

« Jésus leur demanda » C’est par deux fois que Jésus s’adresse ainsi à ses disciples. Cette double demande fait suite à une déjà longue suite, où Jésus, dans sa parole abondante et dans ses actes nombreux, n’a cessé de leur donner de lui-même : sa manière d’être, de vivre, de se comporter, de se relier au mystère de Dieu. Là, aujourd’hui, Jésus poursuit l’échange. Mais il appelle à une réciprocité. Il ne reste pas sur un seul registre de l’échange qui consisterait à sans cesse donner : il demande aussi. Par-là, il élargit le champ de l’échange, signe en quoi consiste en fait un vrai échange, qui demande la réciprocité, l’égalité. Il y a à donner et à demander. Lorsque nous faisons ainsi, la relation devient fluide. Elle peut inventer au-delà d’elle-même. Là, l’échange ne tient plus seulement à la place occupée par l’un et par l’autre mais à quelque chose de plus profond dans les êtres qui ont trouvé consistance par eux-mêmes. Ils ne tiennent pas que par leur faire ; ils sont. Ils sont des personnes. Saint Ignace, à la fin de ses Exercices Spirituels dans la contemplation pour obtenir l’Amour, pour vivre souplement le fait de demander et de donner, proposera au retraitant de s’adresser à son Seigneur. Il l’encourage à recevoir plus pleinement tout ce qui lui a été donné puis à rendre ce qu’il aura reçu « prends Seigneur et reçois, reçois tout ce que j’ai, tout ce que je possède. C’est toi qui m’as tout donné à toi, Seigneur, je le rends.… ». Dans ce mouvement, la personne se constitue au plus profond d’elle-même, dans la relation avec son Seigneur, et, par-là, se rend capable d’être, dans le monde et avec les autres, pleinement libre.

 

« Et moi, je te le déclare », Dès lors, de cette liberté, une nouvelle parole surgit, plus profonde. Elle a une capacité de détermination, de nomination, de reconnaissance : une parole de création. Cette parole surgit en l’homme, en Simon, parce qu’elle vient de la relation avec le Père, que nous en soyons conscients ou non, à vrai dire. Jésus l’indique à son disciple : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux ». Dès lors, Jésus, autorisé par la parole de Pierre, parole qu’il sait venir de Dieu, son Père, reprend la parole à son tour. Il déclare. « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. ». Là aussi, nous entendons une parole humaine, qui est aussi une parole de création, de création divine. Voilà la profondeur dont est capable la parole de l’homme lorsqu’il est en échange profond avec son Dieu. Voilà la promesse à laquelle nous sommes tous appelés : par nos paroles et par nos actes, achever la création de Dieu, contribuer à faire surgir le Royaume de Dieu sur terre.

 

« Alors, il ordonna aux disciples » Ce mystère est grand. Il n’est pas à répandre n’importe comment. La parole de création n’a pas à être colportée, instrumentalisée. Elle surgit toujours libre, au moment opportun en nos vies. Dès lors, ce secret doit être gardé jusqu’à sa pleine réception et sa pleine compréhension. La manifestation et la réception du Mystère, nous le savons, auront lieu au moment de la mort et de la résurrection du Seigneur. A travers ce passage, le disciple, dans l’expérience qu’il vit du pardon qui lui est offert, trouve sa juste place pour annoncer la bonne nouvelle de la parole humaine, capable de création. De disciple, il devient apôtre du Seigneur Jésus, pouvant lier et délier. Amen !

Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite

[Source image : https://www.guigoz.fr/bebe-de-12-mois-et/communiquer-avec-bebe/10-astuces-pour-lui-apprendre-parler]
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