Lc 10, 1-12
Nous pouvons prendre ce passage de l’Evangile comme une page sans particularité notable, une simple recommandation comme il y en a beaucoup tout au long du récit évangélique…
A vrai dire, il n’en est rien… ce passage nous dit l’essentiel de la vie véritable : comment y entrer. Il s’agit d’être pauvre et ouvert à la rencontre, sous le simple mode de la bénédiction gratuite envers l’autre vers qui je vais. Et tout cela commence par le simple geste de saluer. “Paix à cette maison.” Heureux serons-nous au moment de notre mort si nous sommes trouvés dans cette attitude. Alors nous pourrons accueillir la vie nouvelle en plénitude et sans retour, éternellement.
Peut-être faut-il encore remarquer que Jésus ne fait rien d’autre que de recommander à ses disciples, ceux qui vont le précéder, ce que lui-même vit depuis toujours. Mais cette recommandation est tout aussi vrai pour nous dans le temps actuel où le Christ Ressuscité nous précède dans le cœur de notre prochain comme il nous précède aussi dans le nôtre.
Relevons les recommandations. La première consiste à être pauvre et sans défense comme des « agneaux au milieu des loups », mais aussi il s’agit de s’adresser à l’un et laisser alors la vie se manifester, se donner entre cet autre et moi… sans aucun souci d’efficacité, sans désir d’aller au-delà de simplement laisser la rencontre se déployer… Simplement permettre à la vie véritable de nous toucher mon frère, ma sœur et moi… alors cette vie elle nous conduira tous les deux sur son chemin à elle… Mon prochain et moi nous nous donnons de recevoir la Vie. Nul besoin d’aller ailleurs, de ramener, par-là, l’autre à un faire valoir de mon activisme… se nourrir de la rencontre qui s’offre, savoir demeurer puis aller plus loin, dans une autre ville… la vie véritable n’est pas un cocktail où on passe de l’un à l’autre des convives en virevoltant… la dernière recommandation est de savoir dire la chose quand la rencontre n’a pas eu lieu : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.”
Ce passage de l’écriture nous ramène à l’enjeu du Synode qui a commencé à Rome en ces jours, enjeu pour notre Eglise si mal en point, enjeu pour notre humanité si mal en point. Laisser le fruit de la rencontre, de la réunion entre des gens différents qui vont l’un vers l’autre se manifester par lui-même. N’ayons de cesse de prier pour cette simple rencontre en sachant que l’essentiel est qu’elle ait vraiment lieu, et que la bénédiction de paix exprimée soit reçue.
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite