Messe 31 juillet 2022
Aujourd’hui, c’est le 31 juillet, la fête de st Ignace de Loyola.
Mais comme c’est un dimanche, c’est la messe dominicale qui prime. Néanmoins, les textes du jour me permettront facilement d’en dire un mot.
On a adopté le mot « vanité » pour traduire le terme hébreu polysémique au contexte « Hevel » qui signifie souffle, buée, vapeur, inconsistance, etc.
Nous dirions dans le contexte de Qohèleth que Hevel signifierait futile, absurde, comme quand on dit « tout ça pour ça ».
Dans le texte du jour, il est question du travail.
Sans doute, le sentiment désabusé que souligne Qohèleth vient du fait que ce travail n’a pas d’objet que le dépasse ; il n’a pas de vrai horizon.
Nous pouvons voir le dialogue à distance que Jésus entretient avec Qohèleth.
Il y a le thème du partage qu’introduit le cadet ; c’est déjà quelque chose qui donne sens au travail chez Qohèleth.
Plus explicite « la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède, c.-à-d. sa vie n’est pas tirée de ses biens ».
Ou encore,
« Insensé, ce que tu as préparé ou amassé, pour qui ce sera ? »
C’est ce que dit Qohèleth différemment :
« Il a réussi (…) et voilà qu’il doit laisser son bien à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine »
Évidemment, vous le savez, Dieu n’a rien contre le travail, ni contre les biens, ni contre le fait de prévoir pour demain, pour ses enfants, pour ses vieux jours.
Cela nous amène donc à la question : quel est le bien qui sous-tend les autres biens et les efforts pour les acquérir ?
Jésus, d’après Luc nous répond « s’enrichir en Dieu ».
Je dirai que c’est là toute la trajectoire d’Ignace de Loyola.
Homme du XVIe siècle, issu de bonne famille, selon l’expression consacrée, qui aimait la prestance, les honneurs, la gloire.
Un militaire qu’un boulet de canon français brise la jambe au cours d’une bataille et qui constitue un coup d’arrêt et un nouveau départ dans la vie.
Durant sa convalescence, il lit des récits de chevalerie et des récits de vie des saints.
Il constate que les récits de chevalerie enflamment son âme, mais c’est un feu de paille, alors que les récits de vie des saints induisent une consolation durable.
C’est le début du discernement sur les motions intérieures ou les mouvements intérieurs qui traversent l’âme et qui produisent soit la consolation durable, soit le feu de paille suivi de la désolation.
En d’autres termes, si notre être n’est pas sous l’emprise d’une perversion sévère, nous avons dans les motions, une donnée sur la direction où se trouve le bien qui vaut la peine d’engager sa vie afin de l’acquérir.
Toute cette expérience est codifiée et va constituer une méthode, un protocole, les Exercices spirituels (ES) dont l’objet est de discerner les motions de l’âme afin de se décider dans la poursuite du bien le plus grand.
Les ES sont l’œuvre d’un laïc. Ceci est très important. Ignace de Loyola commence à faire faire les ES à des gens (on dit donner les ES dans le jargon de la spiritualité jésuite), et voyant le bien que cela produisait chez eux, il va continuer.
Il a donné les ES à un certain François, natif de la cité de Javier dans le nord de l’Espagne actuelle et ce dernier est devenu qui l’on sait, une sorte de Saint Paul bis.
La Compagnie de Jésus s’est formée par la suite.
Tout adulte, il est revenu sur les bancs de l’école pour se former afin de mieux servir. Voilà pourquoi les jésuites poussent les études jusqu’au bout afin de mieux servir.
Autant dire que les ES structurent le jésuite comme compagnon de Jésus.
Si le jésuite n’entre pas dans les ES, autrement dit, il s’il ne descend pas en lui-même à la rencontre de Dieu par le chemin des ES, s’il les esquive, alors il deviendra comme un chardon au milieu d’un bouquet de roses. Il piquera, lui aussi, mais, hevel, ce n’est pas pour les épines que nous admirons les roses.
Les ES lui permettent d’être autonome et automobile dans la foi, capable de discerner les situations qu’il rencontre et prendre une décision qui n’est pas dans les manuels, car c’est la grâce de la vie que d’engendrer chaque fois de l’inédit.
Quel est le bien le plus grand et comment l’obtenir ?
Les ES contribuent à la tâche qu’incombe à tout être humain, c.-à-d. trouver son chemin qui mène à son accomplissement, un chemin qui met hevel en échec. Néanmoins, le désir ne suffit pas, il faut aussi la méthode. La spiritualité a également besoin d’une science.
Les méthodistes en Angleterre l’ont bien compris.
Il faut être capable de savoir où l’on en est pour progresser. C’est notamment le rôle de la relecture. Nous sommes toujours dans la méthode.
Roland Cazalis, compagnon jésuite
Qo 1, 2 ; 2, 21-23 ; Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc ; Col 3, 1-5.9-11 ; Lc 12, 13-21
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