C’est la Passion qui donne au Christ sa royauté. Le bon larron est le premier à l’avoir reconnu, au Golgotha : « souviens-toi de moi quand tu seras advenu comme roi ». St Paul voit la Croix du Christ non pas comme le temps où tout est fini. Au contraire, c’est là que Dieu met sous ses pieds tous ses ennemis, même la mort ! Elle – la Passion du Christ – est déjà ce jour dit du Jugement dernier. En fait c’est un acte de création, l’ultime. De création car, comme au premier jour, Dieu crée en séparant. Il sépare les brebis des boucs. Ça fait parfois peur, car serons-nous brebis ou boucs ? Et avons-nous assez éprouvé ou secouru la faim de Dieu, sa soif, sa pauvreté, son non-accueil, sa maladie, sa prison, pour compter parmi les bénis du Père ? Le jour du Jugement dernier, je peux l’entendre comme une revanche de Dieu : « ils vont voir ce qu’ils vont voir, ces boucs qui m’ont délaissé ! » Je peux aussi le recevoir comme la marque de l’Amour infini de notre Créateur. Car tout ce qui voilait le règne de Dieu, tout ce qui cachait l’Amour de Dieu, ivraie mêlée au bon grain, centrement sur les richesses, les honneurs ou le pouvoir et leur domination mortifère, c’est fini. Toutes ces haines et ces prisons de ressentiments les uns à l’égard des autres, entre peuples, partis, groupes d’Église, etc., on n’en peut plus ! L’Amour en sera séparé. Enfin il sera là, sans mélange ! Il y aura un soir, il y aura un matin, et tous connaîtront que cela est très bon.
La Passion du Christ recrée qui se laisse rencontrer par Dieu, par sa faim ou sa soif, étranger sans demeure ni amis, pauvre sans vêtement en quête de dignité, malade, égaré, mis en prison par les filets de la domination. A la Passion, Dieu sépare la haine et l’amour, la vie et la mort, la vérité et le mensonge, l’éternité et le monde des apparences. Il sépare brebis et boucs. Peut-être plus encore, c’est en nous qu’il opère cet acte ultime, créateur, de séparation. En nous se mélangeaient le béni, ouvert à l’Amour, et le reste, attaché au vieil homme, au péché, à ces 1000 peurs et suffisances qui font mourir Dieu. Au jugement dernier, l’Amour trouve enfin son humble place. Beau et gracieux, notre Seigneur tend la main aux bénis du royaume. Aidons le Père à être Père, comme ce Père prodigue qui relève son bien-aimé égaré.
Olivier de Framond, compagnon jésuite
Ez 34, 11-12.15-17 ; Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6 ; 1 Co 15, 20-26.28 ; Mt 25, 31-46