L’extrait du livre attribué à Samuel de ce dimanche relate l’ascension de David et ses interactions avec Saül.
Il est devenu un chef de guerre depuis sa victoire sur Goliath et ses autres faits de guerre.
Son succès suscite la jalousie de Saül qui cherche à le supprimer, voilà pourquoi David doit rester en mouvement et sur ses gardes pour échapper au désir de meurtre de Saül.
Le texte du jour nous montre comment David tente de vaincre Saül par le pardon.
Le pardon de David est un équivalent-vie, c.-à-d. David rend à Saül sa vie qu’il aurait pu prendre s’il l’avait voulu.
À la limite, il faut être en mesure de terrasser l’ennemi pour comprendre ou se rendre compte de ce que signifie l’amour de l’ennemi, ou du moins, jusqu’où va l’amour de l’ennemi.
En effet, il s’agit bien d’amour !
David dit ou signifie à Saül « vois, je ne te hais point ! », car s’il y avait de la haine en moi à ton égard, tu serais déjà mort ».
Continuons à tirer profit du texte de Samuel.
La haine qui est dans le cœur de celui qui vous choisit comme ennemi vient de la jalousie. Dans la vraie vie, c’est très fréquemment le cas.
Cette haine est une histoire intime.
On n’a pas de haine réelle pour des gens en général, des gens que l’on ne connaît pas. Par rapport à ces gens, on devient des imitateurs ou des suiveurs des porteurs de haine.
On a de la haine ou tout simplement du ressentiment à l’égard de personnes particulières.
Dans le sentiment que l’on éprouve à leurs égards, il y a toujours la question du « qu’est-ce qu’il y a entre toi et moi ?»
Cette question occupe la même place que celle de l’amour.
En somme, seul le prochain peut devenir un ennemi.
Dans la catégorie de prochain, on écarte les brutes qui opèrent des razzias. À la limite, ce ne sont que des animaux, des fauves, envers qui l’on n’engage pas ses sentiments nobles.
Ainsi donc, nous avons deux figures : l’amour du prochain, et l’amour des ennemis.
Au passage, la seconde figure est toujours utilisée au pluriel, tandis que la première est au singulier.
Quoi qu’il en soit, devenir un prochain suppose un mouvement vers l’autre, suppose de se diriger vers quelqu’un qui devient proche ou de qui l’on se fait proche. Il y a donc comme un véritable mouvement existentiel de rapprochement.
À l’inverse, on tient toujours l’ennemi à distance, même s’il est à côté géographiquement.
Il s’agit de la distance que l’on a dû prendre, ou la distance que son attitude a générée.
Il s’agit de la distance de la méfiance, la distance de la traîtrise dont il s’est fait l’acteur.
La jalousie engendre la traîtrise. Or, la trahison est la laideur.
La jalousie amène à persévérer dans la laideur.
Qui est devenu mon ennemi ?
De qui suis-je devenu l’ennemi ?
C’est toujours un drame, comme la guerre civile, dont on ne se remet presque jamais.
Voyez le drame qui se noue entre le Christ et son peuple lors de la Passion.
Être maltraité et humilié par des étrangers est une chose. L’être par ses frères laisse de profondes blessures que seul le pardon peut guérir.
L’exhortation du Christ nous suggère que le pardon peut prendre plusieurs figures ou plusieurs chemins :
Bénir, dire du bien de l’autre contre haine
Prier pour eux ; prier pour leur conversion, prier pour qu’ils retrouvent leur beauté
La générosité envers celui qui veut vous dépouiller
Ne pas reculer devant les assauts, ne pas déserter le champ de bataille, ce qui peut vous exposer à un autre coup.
Etc.
Ces attitudes de pardon n’ont rien à voir avec l’innocence ou l’ingénuité.
David fait savoir à Saül qu’il connaît ses intentions.
Jésus dit lors de la Passion : « pourquoi me frappes-tu ? Ai-je dit quelque chose de mal ? »
Ce que l’on cherche dans ces attitudes paradoxales, ce n’est pas un quelconque retour sur investissement, mais bien de sauver l’autre de sa perdition.
L’action de pardon est ordonnée à la restauration de l’autre, pour qu’il retrouve sa beauté et sa dignité d’homme, car ce genre de péché enlaidit autant que les autres.
On constate également que ces actes paradoxaux vous libèrent de tout ressentiment ou même de haine envers celui qui vous fait du tort.
En effet, il ne fait pas laisser s’accumuler le poison de la haine dans votre cœur, car ce serait la double peine : pâtir de la médisance, de l’action maligne ou de l’intelligence maligne de l’autre et en plus accumuler de la haine dans votre cœur.
Oui, prier pour la conversion du méchant et éviter de s’empoisonner avec la haine.
Si le chrétien ne peut pas la faire, alors, qui le pourra ?