Le thème central du texte de l’évangile interpelle, ainsi que sa portée eschatologique.
Chacun reçoit selon sa force ou selon sa capacité ou sa vaillance, à l’instar de la femme introuvable du livre dit des proverbes ou livre des exemples à imiter ou à fuir. À l’exemple de Salomon, il faut imiter certaines de ses actions et s’abstenir par rapport à d’autres. C’est là toute la pédagogie du livre des proverbes qui alterne, paraboles, poèmes, proverbes pour éduquer l’auditeur comme on raconte de contes aux enfants pour les éduquer. Il ne faut pas déléguer cette tâche aux réseaux sociaux, car de toute évidence, leur but n’est d’éduquer la jeunesse, mais de la posséder.
La vaillance multipliée par les talents nous permet d’exercer notre fond. C’est là tout le processus de l’existence par laquelle nous portons du fruit. Reste un inconnu dans cette équation, à savoir, le facteur qui multiplie les talents.
Par l’exercice de notre fond, nous montrons qui nous sommes, nous nous révélons à nous-mêmes, nous faisons apparaître la vérité de notre être profond.
Au début de la parabole, il existe un lien fort entre le maître et les serviteurs. Leur statut se base sur leur capacité respective. D’un côté se trouve celui qui a l’autorité de pourvoir en talents ; de l’autre, celui qui a l’ouverture à la vie, la disposition pour recevoir le don comme un bien propre. Dès lors, le talent reçu fait partie de sa personne.
À moins qu’il n’ait pas eu la disposition pour ; néanmoins, il l’a quand même reçu.
Il est traité de ‘paresseux’, car ce talent était bien à lui, mais il n’en a rien fait.
S’il n’en avait pas voulu pour lui-même, il aurait pu le traiter comme il se doit, c.-à-d. l’insérer dans la dynamique de la vie qui amène tout à se déployer, comme la semence qui est appelée à germer, comme l’arbre qui est appelé à porter du fruit, comme l’enfant qui est appelé à se développer. C’est la nature du Royaume.
Dans ce cas, il aurait fallu confier le talent à la table des changeurs, la banque de l’époque, il aurait ainsi rapporté des intérêts.
Au contraire, il a arrêté volontairement la dynamique du talent. Voilà pourquoi il est déclaré ‘mauvais’.
De la même manière sont déclarés ‘mauvais’ ceux qui mettent des bâtons dans la roue des autres pour les empêcher d’être dans la dynamique de la vie qui est de porter du fruit. Nous ne sommes pas dans la morale, mais bien dans le péché contre la dynamique de la vie.
Il est dit aux deux autres serviteurs ‘sur peu, tu as été fidèle, sur beaucoup je t’établirai’.
C’est là que s’immisce la dimension eschatologique. En effet, en exerçant notre fond dans cette face de la vie nous permet d’avoir la vaillance pour recevoir les talents et la mission dans l’autre face de la vie.
Le maître demande des comptes à tous ; ceux qui sont liés au maître et donc savent l’origine des talents, comme ceux qui ignorent l’origine des talents, car nous avons tous une conscience comme le dit Paul de Tarse, juifs comme païens, esclaves comme hommes libres. Nous sommes tous dans la dynamique de la vie et devons porter du fruit.
Nous terminons par la femme introuvable des Proverbes. Par son savoir-faire et son savoir-être, elle est déjà une figure de la sagesse. Elle n’est pas sujette à la fatigue ni au retour sur soi. Ceux qui ont croisé son chemin ne peuvent qu’en faire l’éloge.
Les deux serviteurs qui ont reçu les talents comme leurs biens propres sont entrés dans une dynamique sans retour et sans calcul. Le résultat confirme cette dynamique vitale. De toute évidence, ils sont visités ou habités par cette figure de la sagesse ; sans doute, celle qui multiplie les talents.
Roland Cazalis, compagnon jésuite
Pr 31, 10-13.19-20.30-31 ; Ps 127 (128), 1-2, 3, 4-5 ; 1 Th 5, 1-6 ; Mt 25, 14-30