Son nom sera Jean, nommer ou ne pas nommer...
" Notre héritage n'est précédé d'aucun testament" René Char
En cette fête de la saint Jean Baptiste, la réalité du nom propre se manifeste à nous avec toute l’ambigüité qu’elle porte. Ce bébé ne sera pas appelé « Zacharie » comme ses pères et comme le voudrait l’usage mais « Jean », il sera le plus grand des enfants des hommes...
Le nom, ce n’est pas rien, mais à quoi renvoie-t-il donc ? Certains noms semblent avoir comme trop servi, ainsi celui de Dieu qui parfois ne semble plus porter une signification suffisamment commune pour beaucoup...
« Le nom de Dieu a trop servi. » René Barjavel La faim du tigre
Mais n’est ce pas alors parce que nous en extrayons comme une qualité qui serait portée par ce nom, comme le dit celui qui refonda les Dominicains en France au XIXème siècle percevant cette pente utilitariste...
« Dieu est le nom propre de la vérité, comme la vérité est le nom abstrait de Dieu. » Henri Lacordaire Quarante-cinquième conférence de Notre-Dame
Nous découvrons ainsi que des noms propres perdent leur substance parce que leur cadre social change ainsi de la Providence...
« La Providence est le nom chrétien, le nom de baptême du hasard. » Alphonse Karr
Allons vers du plus prosaïque, en laissant la parole à des humoristes... mais la marque de l’ère technique est toujours présente, avec sa banalisation à l’œuvre...
« Aventure est juste un nom romantique pour problème. » Louis l'Amour
Ou bien encore, retenons la saillie pleine de malice de Mark Twain...
« Le nom du plus grand des inventeurs : accident. » Mark Twain
Nous avons vu tous les aléas du nom emporté par la dynamique sociale qui promeut, use, abandonne... Qu’en est-il de la personne qui lui est comme organiquement liée, le porteur du nom ? Le destin de la personne serait-il de réussir sur la scène des hommes jusqu’à ce que seule sa qualité soit reçue, la société des hommes s’appropriant ce qu’a produit l’unique dans son expression, en le banalisant, en le rendant commun... Pauvre préfet Poubelle dont la renommée hygiéniste se retrouve à toutes les heures du jour et de la nuit dans les rues de nos villes dans des récipients le plus souvent sales et malodorants...
« A quoi reconnaît-on un personnage réussi ? Quand son nom propre devient un nom commun… » Frédéric Beigbeder Dernier inventaire avant liquidation
Le nom chosifie, il devient alors comme une marque de fabrique, certains doivent donc faire exister leur prénom... la singularité de la personne n’étant pas reconnue...
« Souvent un grand nom rapetisse celui qui le porte. » Jacob Grimm
Même si cela représente comme un capital social...
« Le plus beau patrimoine est un nom révéré. » Victor Hugo Odes et ballades
Aussi sous cette évolution, se dessine cet enjeu de tous les temps... pourquoi donc être nommé, mais nous voyons bien que nommer n’est pas rien, apporte aussi... Un nom cela ouvre inévitablement aux autres, pour le meilleur comme pour le pire. Faut-il y renoncer ? La citation suivante qui enferme l’être en lui-même, en son unicité, semble le proposer. Les personnes entrant en religion abandonnent parfois jusqu’à leurs noms pour devenir elles-mêmes dans le pur secret du Père : hors du monde, anonyme, renoncé... il y a aussi la foule immense des anonymes de nos cimetières qui nous interroge, souvent que connaissons nous au-delà de nos grands-parents de notre lignée...
« Je n'ai pas de nom. Pourquoi aurais-je un nom. Je suis unique. » Gérard Klein
Mais bien des personnes attestent de ce pouvoir transformant du nom. Avoir un nom, c’est devenir autre chose que soi seul, même unique.
« Rien ne devrait recevoir un nom, de peur que ce nom même ne le transforme. » Virginia Woolf Les Vagues
Cela peut aller jusqu’à renaître en changeant de nom, pouvoir exister autrement...
« Changer de nom, c’est changer de destin. » Marek Halter interview sur Evene.fr - Octobre 2006
Alors peut-on aller jusqu’à ce qu’énonce Simone Bussières, certes sous une forme interrogative...
« Le nom n'est-ce pas l'être. » Simone Bussières L'héritier
Oui en prenant le chemin qui fait quitter la folie des hommes....
« Un nom n'est que bruit et fumée. » Johann Wolfgang von Goethe Faust
Et rejoindre en fait l’expérience des amoureux pour qui seul un nom existe vraiment pour eux...
« Les amoureux prient avec un seul mot, un nom. » Erri De Luca Tu, moi
La solution véritable serait que le nom, qui inévitablement nous fait exister envers les autres, soit tenu par tous comme signe de l’amour offert mais vide de sens a priori, pure promesse offerte pour que la personne advienne et puisse signer de son nom son existence... Ecoutons la sagesse toujours déstabilisant de Lewis Carroll.
« Un nom doit-il toujours signifier quelque chose ? » Lewis Carroll
Cette intuition ne rejoint telle pas la sagesse ancestrale qui se trouve tapie dans les proverbes ? Le nom comme l’indication d’un travail secret...
« L’homme ne vit pas du nom, mais du travail. » Proverbe tchoude
Entrons chacun dans la promesse de notre propre nom, dans le silence et le secret, en le recevant de Celui qui nous a amené à l’existence, une existence qu’il nous donne, pour que nous puissions en aimant en tout, pouvoir la signer de notre nom unique et vrai, dans le cortège de tous les saints, unique parmi les uniques en l’Unique qui nous porte tous, Jésus le Christ... Tel est notre véritable travail sur terre... Travailler à la gloire véritable qui ne passe pas : dire son Nom à Notre Père en notre nom propre...
« L'homme vit dont le nom est prononcé. » Anonyme Mythe de Ré et d'Isis
photo http://hemerobrode.over-blog.com/article-bonne-fete-quebec-77205709.html