« Toi qui fus désigné dans des menaces futures
pour apaiser la colère avant qu'elle n'éclate,
pour ramener le cœur des pères vers les fils
et rétablir les tribus de Jacob ».
Si 48:10
« Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout ». Albert Camus Carnets
« Qui a envie d'être aimé ? ». Ce film retrace l’itinéraire qu’a vécu un homme de la classe aisée en France qui a retrouvé le chemin de la foi. L’histoire est authentique mais transposée au cinéma. Thierry Bizot a en effet raconté son évolution spirituelle dans un livre « catholique anonyme » et son épouse, Anne Giafferi, a réalisé le film. http://www.dailymotion.com/video/xggs8n_qui-a-envie-d-etre-aime-bande-annonce-hd_shortfilms
La matière du film est très mince, par petites touches discrètes, est évoquée l’évolution de Thierry (Antoine dans le film...). Le metteur en scène pratique abondamment cet art bien cinématographique de l’ellipse. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ellipse_%28cin%C3%A9ma%29. Cela crée une atmosphère délicate. Nous sommes inclinés à nous rendre attentifs à des « riens », à la recherche d’indices ténus d’évolution, de transformation, qui se font sur une base de répétitions de la vie quotidienne admirablement rendue. Peu à peu, nous prenons conscience qu’un cheminement s’opère. Antoine revient sans raison aux séances de catéchèse, achète une bible, la lit presque de manière compulsive, en cachette, les paroles entendues reviennent dans son quotidien et l’interrogent. Il entre dans une église, y reçoit malgré lui le signe de paix. Rien de miraculeux mais un travail subtil de déplacement des représentations est opéré par le récit évangélique, notamment par la récitation chantée du Notre Père qui conclut les réunions. Nous voyons et entendons plusieurs fois le petit groupe chanter le Notre Père. Puis, au fur et à mesure de l’avancée dans le film, il y a des prises de conscience sur sa manière de faire, sa manière de considérer les choses. Antoine cherchera aussi à mettre en œuvre les enseignements reçus. Mais les vrais changements arriveront naturellement dans la trame de son existence.
Ainsi de la démarche de pardon... Antoine invitera son frère pour une hypothétique et volontariste tentative de réconciliation qui tournera au fiasco intégral. En revanche, il saura, comme malgré lui, demander pardon à son fils. Nous pouvons y lire la présence active et discrète de l’Esprit Saint qui épouse sa liberté et lui donne en situation de répondre justement. Après une belle étreinte de reconnaissance, la relation entre eux deux ne sera plus la même. Arthur saluera son père en quittant la voiture pour aller en cours. Il le regardera. Auparavant Antoine aura su demander calmement à son propre père de savoir être respectueux et non dur envers lui. De même, son père viendra le saluer dans son bureau qui signe sa réussite sociale. Son père lui expliquera alors, avec un cœur meurtri, son attitude conciliante envers son frère en difficulté et lui dire pourquoi il avait été dur envers lui, pour qu’il réussisse puisqu’il en était capable.... De là, sa prise de recul sur cette réussite qu’il valorise à l’excès tout comme la vertu du travail. Le spectateur perçoit bien que lorsqu’Antoine reprend son fils il est agi par une imposition qu’il a lui-même mal vécu... La découverte d’une autre figure du Père du Ciel, l’acceptation de sa part de fragilité, la contemplation du Christ aux liens dans une petite chapelle de la côte bretonne sont les moteurs de son évolution.
Beaucoup de conversions suivent l’itinéraire de celle d’Antoine. Perception de la vision à laquelle je me sens appelé, tentative généreuse mais de fait malhabile de mise en œuvre, suivi d’un échec parfois profond, puis deuxième conversion, où j’accepte d’être aidé, de me fier d’une manière nouvelle à l’action de Dieu et obtention du résultat comme « malgré moi » car cela se fait avec l’action perçue du Seigneur, cela devient pour moi l’occasion d’une vraie « action de grâce », en retour du don reçu.
« Qui a envie d'être aimé ? » est bien la question qui travaille chacun [et tous] dans ses démêlés avec sa propre vie... avec toutes les répercussions [positives et négatives] que cela a sur les autres... Le fruit de sa conversion [se reconnaître fils] est de nouer autrement les liens avec les autres êtres qui lui sont chers, de se réconcilier avec son passé, d’accéder à une attitude plus douce et plus ouverte envers tous [vouloir la fraternité et agir pour cela]... Antoine retrouve sa capacité à redevenir un enfant, il reçoit de nouveau la vie qui lui est donnée, il reçoit l’amour que Dieu ne cesse de lui prodiguer, il marche humblement aux côtés de Dieu et des autres, renoue en profondeur avec son épouse... Antoine réalise la volonté de Dieu «Je te demande ceci et seulement ceci, aimer avec tendresse, agir avec justice, marcher humblement avec ton Dieu » Michée 6.8. Ce film est une très belle illustration des propos du Pape à l’occasion de la célébration du Baptême du Seigneur en cette année 2012.