Devant rentrer de quelques jours passés à la neige, invité par un ami jésuite, celui-ci m’a recommandé de partir vers l’arrêt du bus quarante-cinq minutes à l’avance. Le trajet à pied du chalet prenait selon lui trente minutes. En fait le trajet a été bien plus rapide que prévu et je suis arrivé quelques minutes avant le départ du bus précédent. J’en ai pris conscience en remarquant un grand nombre de personnes attendant à l’arrêt avec de gros bagages. Je me suis dit ils vont prendre le bus et le panneau m’a effectivement indiqué qu’un bus devait arriver deux ou trois minutes après. Et ce simple fait a complétement bouleversé ma journée. Pouvant partir plus tôt que prévu je me suis laissé conduire par les événements, attentif à ce qui arrivait.
Ainsi j’ai pu admirer comment le chauffeur, lui qui avait accédé à ma demande de prendre le bus précédent, assumait encore sa fonction royale. Il prenait soin des tout-petits, tout en veillant à notre sécurité et notre confort à tous. Un petit garçon indisposé par les roulis occasionnés par le bus qui prenait les virages de la route avec souplesse, on se serait encore dit sur les pistes, menaçait de rendre. Il l’a apostrophé « petit bonhomme ça va ? » et lui a remis, par l’intermédiaire de son père, un petit sac en papier au cas où. La délicatesse de celui qui nous prend en charge et veille sur chacun je l’ai retrouvé dans le dernier bus, à la fin de mon périple pour arriver au centre où je réside, avec le chauffeur qui, là aussi, a pris soin d’un aveugle perdu et qui avait raté son arrêt. Que la manière dont est organisé le travail de chacun puisse lui permettre d’exercer sa responsabilité royale jusqu’à mettre en œuvre la générosité de son cœur.
Mais le trajet n’était pas fini. L’avance en ayant pris le bus précédent m’ouvrait la possibilité de prendre le train précédent. J’ai réussi à m’assurer que cela était bien possible et je suis arrivé à Lyon avec deux heures d’avance sur mon planning prévu et du coup assister sans problème à la conférence que j’escomptais suivre en zoom. Là aussi durant ce voyage, vécu comme gratuit, je goutais la beauté des alpes qui s’éloignaient de moi offrant la beauté proche et puis lointaine des cimes enneigées.
Un petit écart et de nouvelles expériences s’ouvrent à nous que nous pouvons accueillir comme nouvelles, imprévues. Prenons conscience que nos situations sont malléables, pleines de possibles, même dans ce qui est le plus répétitif. Sachons nous ouvrir au présent avec confiance, sachons accueillir l’aujourd’hui de nos vies avec ses possibles, sachons les tisser avec ceux qui nous entourent.
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite