... Mais pourquoi le pain et le vin ?
Le signe que choisit Jésus pour réaliser cette communion intime entre lui et le croyant est précisément pris dans le cadre symbolique alimentaire.
Qu'est donc l'aiment ? Pourquoi transformé par l'homme, l'aliment est un objet de la nature. Par l'assimiliation, cet élément naturel est transformé en corps d'homme. Il cesse d'être simplement objet matériel pour devenir homme véritable. N'oublions pas cette définition de l'aliment et faisons, aussitôt, une importante remarque.
N'est-il pas vrai que nos rapports entre hommes, pour une très large part, se trouvent conditionnés par notre rapport aux choses, aux "biens de ce monde" ? C'est en fonction de notre besoin d'utiliser et de posséder les éléments de ce monde que nous sommes poussés à conssidérer les autres hommes soit comme des concurrents, des rivaux, des esclaves à exploiter soit comme des coopérateurs ou des amis avec lesquels il fait bon partager ou avec lesquels il est nécessaire de collaborer.
Dès lors, il n'est pas indifférent que la consécration, pour fonder la conversation de notre regard, puisque c'est là son but, s'opère précisément sur des éléments matériels fondamentaux pour nos vies et déjà transformés par le travail humain.
L'Eucharistie est ainsi directement branchée sur l'essentiel des besoins humains, la faim et la soif ; mais elle enserre ces besoins dans un geste d'homme bien précis, à savoir le partage. Le pain dont elle a besoin c'est le pain partagé ; la coupe qu'elle utilise, c'est la coupe qui circule de mains en mains.
Le but de Dieu, l'intention, le désir de Dieu, c'est de convertir nos relations interpersonnelles. Il veut le faire en transformant notre rapport à lui. Il se trouve que le gros obstacle à cette conversion c'est notre attachement aux choses. Voilà pourquoi, d'entrée de jeu, Jésus lancera sa charte : "bienheureux les pauvres"
C'est bien dans la mesure où nous ne nous laisserons plus dominer par les choses que nous connaîtrons la liberté d'accomplir toutes nos conversions. Notre coeur sera libre pour découvrir nos frères comme sujets d'un partage et non plus comme objets d'exploitation. ...
Louis SINTAS,
1990.
Eucharistie, la vie des chrétiens : sacrement de Dieu.
Christ Source de Vie, Vieille Toulouse, p.p.109-110