Avec la fête de l’institution de l’eucharistie, nous célébrons la nouvelle alliance avec les racines de la première alliance qui reste en vigueur pour les Hébreux.
Dieu prend l’initiative de sauver son peuple et ce salut est anticipé par ce repas pris en toute hâte.
Le peuple devra faire mémoire de cet événement, d’âge en âge, pour ne pas s’oublier lui-même et sa vocation.
Il devra faire mémoire du salut. Ainsi donc, un Hébreu d’aujourd’hui peut dire que mes ancêtres sont sortis d’Égypte par la main de Dieu ; c’est comme si c’était moi qui étais sorti d’Égypte, car c’est Dieu qui l’a fait pour nous.
Dans cette dynamique, nous entendons l’acte de faire mémoire par l’eucharistie.
Là aussi, de même que pour les Hébreux, Dieu est à l’initiative et la réponse du peuple est de faire mémoire, par l’eucharistie, c’est encore Dieu qui est l’initiative et le rôle des disciples est de faire mémoire, et cela jusqu’à ce que le Christ revienne.
La demande est faite à deux reprises au cours de la sainte Cène.
Et l’on vient à se demander s’il ne manque pas une dimension aux chrétiens qui ont éliminé cette manière de faire mémoire.
On pourrait trouver un parallèle dans le judaïsme en se disant ce qui adviendrait si les Hébreux cessaient de faire mémoire de la pâque, c.-à-d. de cesser de se rattacher à cet événement de leur histoire.
Il ne s’agit pas de porter un jugement, car chacun est libre de faire ce qui lui semble juste. Il s’agit de s’interroger sur l’importance de faire mémoire comme Dieu a demandé de le faire, cette manière n’empêche pas d’autres formes.
En outre, il y a deux dimensions supplémentaires dans l’eucharistie et pas des moindres.
Le faire mémoire n’est plus à base d’herbes amères, de pain azyme et de viande d’agneau rôtie, car c’est le Christ lui-même qui se fait pain azyme et vin nouveau, de sorte que le mémorial devient une communion.
De ce fait, nous restons en communion avec lui et par lui.
Lui seul a la capacité de faire ce geste de récapitulation des choses en lui.
Par l’eucharistie, il nous prend avec lui, et nous avons part avec lui.
Nous avons part avec lui individuellement et collectivement comme église ou comme communauté de croyants.
La communauté se définit dès lors par la fraternité qui y règne.
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Le geste du lavement des pieds des apôtres en est le signe.
Paul fait des remontrances à la communauté de Corinthe, car sa manière d’être n’est pas conforme à l’esprit du faire mémoire.
Paul ne reconnaît pas le visage du Christ dans la manière dont les Corinthiens faisaient mémoire, car les uns étaient dans l’abondance tandis que d’autres étaient dans le besoin, sans que cette discordance ne scandalise pas l’ensemble de la communauté.
Il y a donc bien une manière de faire mémoire par sa manière d’agir.
Néanmoins, nous confessons que notre manière d’agir, quand elle est figurative du Christ, n’est pas due à nos seules vertus héroïques, mais à cause de la communion.
Nous sentons bien un malaise, voire une souffrance, quand nous ne reconnaissons pas le visage du Christ dans le comportement du chrétien moyen ou celles et ceux qui sont dans la lumière.
Si nous éprouvons un malaise, c’est à cause de la communion.
Alors, demandons au Seigneur, en cette fête de l’institution de l’eucharistie, en cette fête de la mémoire, d’avancer dans la vérité, de faire mémoire en vérité, de sorte que notre action soit figurative du Christ.
Roland Cazalis, compagnon jésuite