Lorsque dans l'ultime contemplation, « pour parvenir à l'amour », Ignace invite à
« regarder comment Dieu habite dans les créatures, […],
comment il travaille et œuvre pour moi dans toutes les choses créées sur la face de la terre,
[…et] et comment tous les biens et tous les dons descendent d'en haut (55) »,
n'est-ce pas que le regard,
longuement travaillé de s'être posé sur le Christ,
l'éternel Seigneur entré dans le monde,
aspire désormais à se poser sur toute chose
« comme s'il voyait l'invisible » ?
Il n'y a plus alors qu'à se laisser gagner par l'amour et le service.
Point n'est besoin d'imaginer l'au-delà ni de chercher à s'y projeter artificiellement.
Il suffit d'entendre son appel à vivre l'ici-bas, dans la rencontre, qui, elle, n'a pas de fin. Comme l'écrivait Henri BOURGEOIS, « ce qui concerne l'au-delà ne peut avoir de sens concret que si cela veut dire quelque chose pour l'expérience actuelle (56). »
Où est l'avenir ultime ? Il est remis, dans l'offrande qui, pratiquement au même rythme que la présence de la « cour céleste », scande le chemin.
La discrétion ignatienne n'a-t-elle pas en définitive rendu force et santé à l'eschatologie en la réorientant vers le Christ et un autre regard sur le monde ?
Comme le rappelait Joseph RATZINGER,
c'est du regard fixé sur le Christ,
« de la force de cette tension que dépendent le sens et la vigueur de l'eschatologie, et non de l'intensité des attentes temporelles de la fin du monde ou de son bouleversement (57). »
La véritable eschatologie, ce n'est pas celle qui détourne de la fragilité, des douleurs et des combats de l'ici-bas, mais celle qui y renvoie et donne de vivre l'ici-bas comme le lieu décisif de la promesse d'éternité. Et elle est relationnelle.
Tout ce que nous pouvons alors reconnaître et croire, c'est que « l'homme est fait pour plus qu'il ne voit (58) », comme l'écrivait Adolphe GESCHE. Et que ce « plus » est en même temps un « avec tous » et avec tout l'univers.
Sylvie Robert, Sœur Auxiliatrice "L'urgence de l'Heure dans les Exercices"
(55) Exercices Spirituels N° 235, 236, 237.
(56) L'espérance maintenant et toujours, Paris, 1985, p. 232.
(57) Ibidem, p. 23.
(58) La Destinée, Paris, 1995, p. 54