4 dimanche ordinaire, année B, 31 janvier 2021
Jésus parle. Il enseigne avec autorité selon les dires de l’assemblée dans la synagogue. Qu’est-ce que cela peut bien signifier ?
En tout cas, sa parole d’autorité a son antithèse, en l’occurrence, celle des scribes.
Pourtant, les scribes connaissent la Loi. Le rôle de ces érudits est d’étudier la Loi, la transcrire et d’en écrire des commentaires, d’où leur nom.
On recourt également à leur service pour rédiger des documents ou pour interpréter une question légale.
Leur rôle est précieux dans la transmission des Écritures lors des recopiages, car il fallait compter les lettres et les espaces pour vérifier l’absence d’erreurs.
Ils enseignent également le peuple et interprètent la Loi ; c’est d’ailleurs ce que nous relate le texte du jour.
Ils ont le respect des gens à cause de leur savoir et leur piété.
Néanmoins, il se produit une dérive. Ces professionnels de la lettre finissent par perdre de vue l’esprit de la lettre. En outre, à force d’ajouter des commentaires à la Loi, ces commentaires finissent par devenir plus importants que la Loi.
Quand on perd l’esprit de la Loi, alors la piété se transforme en apparence de la piété. C’est assez violent pour ceux qui s’en aperçoivent, surtout s’ils doivent passer sous les fourches caudines de ces faux pieux.
D’où la confrontation entre Jésus, les scribes et les pharisiens.
Voilà pourquoi, en entendant Jésus dans la synagogue, l’assemblée est surprise positivement, car elle retrouve la Loi en son esprit.
Sans doute qu’un autre aspect de l’autorité réside dans le fait qu’il est manifestement habité par ce qu’il dit.
Il n’y a pas d’écart entre ce qu’il dit et ce qu’il est.
Alors, un homme avec un esprit impur prend la parole ; il vocifère même. Son objet est manifestement de faire taire Jésus.
L’expression ‘esprit impur’ peut faire sourire des rationalistes ; mais ils en ont le droit.
La manière de faire du vociférant peut ressembler à des joutes d’orateurs en politique.
Quand un orateur semble gagner la partie, alors son opposant tente de le déstabiliser et le faite taire, par exemple, en révélant une information délicate sur sa personne de manière à le mettre dans l’embarras, voire à lui faire perdre la face.
Ce faisant, on dirait que le vociférant veut défendre la forme de piété des scribes. Ici, ce n’est pas l’érudition des scribes qui est remise en cause, mais la dérive hypocrite, le règne de l’apparence qui finit par passer pour de la sainteté et la piété. La parole inopérante. L’assemblée qui n’est plus nourrie d’une parole vivante.
Donc, la confrontation est à plusieurs niveaux. Il n’y a pas que les scribes à remettre sur le bon chemin, il faut aussi mettre dehors tout ce qui entrave la vie d’un sujet ou la vie de la communauté.
Pour expliciter ces choses, je vais user d’une pseudo-parabole.
Il arrive parfois qu’un imposteur finisse par s’infiltrer dans un couvent ou dans un monastère en se faisant passer pour un pieu à la manière de la dérive des scribes.
Ce personnage peut persévérer dans son état et en général, contribuera à déliter l’esprit de son couvent ou son monastère.
Il persévérera s’il n’y a pas une autorité pour le mettre dehors.
On aura beau faire signe, si celui qui normalement incarne l’autorité ne voit rien, n’entend rien, ne comprend rien, alors rien ne bougera.
Il arrive même que celui qui incarne l’autorité prenne la défense de l’imposteur, ainsi la boucle est bouclée.
Or, si celui qui doit incarner l’autorité l’incarne vraiment, ce qui le dote du discernement et de la clairvoyance nécessaire, alors l’imposteur se sentira en danger d’être délogé de là où il était si bien installé.
En fait, c’est le mensonge qui est létal, pas tant l’erreur, car on peut toujours s’amender.
L’attaque étant la meilleure défense, c’est l’imposteur ou le menteur qui ouvrira les hostilités pour disqualifier l’autorité de celui qui l’incarne ; d’où les vociférations.
Dans le texte, le vociférant se sentant menacé lance l’estocade le premier :
-« qu’est-ce qu’il y a entre nous et toi » ou « qu’est-ce de nous à toi ? » Remarquez qu’il emploie un pluriel.
Cette expression est un sémitisme, comme un dit un belgicisme, qui répond à une intervention prématurée ou inappropriée.
C’est la même expression qu’utilise Jésus à sa mère aux noces de Cana quand il dit :
-« qu’est-ce de moi à toi, femme ? Mon heure n’est pas encore venue ».
En effet, c’était prématuré, par rapport à la Passion, bien entendu.
Remarquons ici qu’il utilise un singulier.
Le vociférant dit : « je sais qui tu es : le saint de Dieu »
Or, c’est précisément cette révélation qui est prématurée. Il ne faut pas renverser les rôles.
Jésus donne deux ordres : « muselle-toi ! Sors de lui !
La vocifération est remplacée par un cri « il crie d’un grand cri », c’est un son ou un bruit sans contenu verbal (il est muselé) et il obéit à l’injonction.
C’est le vociférant qui se retrouve muselé, alors qu’il voulait museler la parole du Christ.
On retrouve l’autorité de la parole du Christ, d’après le témoignage de l’assemblée.
L’assemblée retrouve ainsi la parole une fois le vociférant est mis dehors.
La révélation de Jésus comme Christ doit se faire à son heure, et le vociférant n’est pas le maître de l’heure.
« Je sais qui tu es : le saint de Dieu »
On ne connaît Dieu que si l’on est avec lui !
Donc, les paroles que prononce le vociférant ne sont pas véridiques en sa bouche.
Ce qui contraste avec la parole du Christ qui est véridique en sa bouche, ce qui est le signe de l’autorité.
Roland Cazalis, compagnon jésuite
Dt 18, 15-20 ; Ps 94 (95), 1-2, 6-7abc, 7d-9 ; 1 Co 7, 32-35 ; Mc 1, 21-28
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