Dimanche 12 mars 2023.
Voilà encore des textes bien denses qui nous permettent de partager.
Je me contenterai d’esquisser un fil rouge entre le texte du livre de genèse et le texte de Jean. Ce dernier met en scène toute une catéchèse. Je me contenterai de la version brève du texte.
« Le Seigneur, est-il au milieu de nous, oui ou non ? »
Voilà la question que pose le peuple dans la tourmente. Il réclame des signes d’affection, des gestes de tendresse.
Néanmoins, si l’on réfléchit quelques secondes, on se dit que c’est le Seigneur qui fit sortir le peuple de la maison d’esclavage, donc il ne va pas le laisser là, planté dans le désert de la soif.
Le peuple est dans un état d’esprit qui le pousse à porter un doute sur la parole de Dieu, sur la promesse de Dieu ou sur l’action de Dieu dans la situation présente.
Nous avons déjà rencontré ce type d’état d’âme dans le jardin d’Eden dans l’épisode du dialogue entre le serpent et Ève.
Mais ici, il y a un élément supplémentaire dans la mesure où le peuple somme Dieu, via Moïse, de prouver sa loyauté.
Cette mise en demeure se nomme « tenter Dieu » ou « mettre Dieu à l’épreuve » dans le vocabulaire théologique.
Nous avons aussi rencontré cette attitude dans les tentations du Christ dans le désert ; comme je l’ai souligné l’autre fois, il ne s’agit pas des tentations du Christ, mais celles du tentateur.
Le temps de désolation, comme celui que vit le peuple, est un temps délicat à négocier, car le discernement nous fait défaut, le souvenir de la parole donnée nous fait défaut à tel point que le peuple regrette la maison d’esclavage.
Pour nous donner la mesure, il suffirait de nous demander, quel événement du présent pourrait nous faire regretter l’époque du confinement au temps du covid-19.
Si un événement induit en nous un tel état d’âme, alors cela signifierait que nous serions dans une période de désolation.
On ne tient pas rigueur aux gens qui prononcent ou profèrent des paroles blessantes en période de désolation, car généralement, les mots dépassent leurs pensées. Dieu, non plus, ne tient pas rigueur au peuple pour ce genre d’égarement.
Dieu console au lieu de juger. Voilà une indication aussi pour nous.
Prenons la figure de la Samaritaine. L’état d’âme équivalent serait la soif du véritable amour. Elle a jusqu’à présent multiplié les expériences conjugales sans suite, et il n’est pas dit qu’elle trouve ce qu’elle cherche avec sa présente relation.
Son errance conjugale symbolise également l’errance religieuse de son peuple, si l’on veut tirer parti du symbolisme mis en scène par Jean.
Elle vient puiser de l’eau vers midi, soit l’heure la plus asociale qui soit. C’est l’heure de la solitude.
Nous avons donc des figures du manque : l’eau, l’affection, l’amour, la réalisation d’un projet dont l’horizon est le bonheur, le Messie, que juifs et samaritains attendent conjointement.
C’est alors que le Christ dit « c’est maintenant » ou « je le suis ».
L’histoire du monde et les attentes des différents protagonistes convergent vers un présent qui est une personne.
La révélation de cette personne suscite le désir de demeurer, comme l’expriment les gens de la samaritaine.
Cette possibilité de passer du temps ensemble, de « demeurer », pour reprendre le vocabulaire de Jean, nous permet de comprendre ce que signifie « adorer en esprit et en vérité », « être en présence de Dieu », puis « marcher en présence de Dieu », sans que cette présence nous délaisse.
Roland Cazalis, compagnon jésuite
Ex 17, 3-7 ; Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9 ; Rm 5, 1-2.5-8 ; Jn 4, 5-42
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :