L’évangile du jour est dans la tonalité de celui de dimanche dernier dans lequel le Christ reproche aux autorités religieuses leur refus de croire en sa personne et en son message, alors que ces autorités sont les mieux placées et les mieux préparées à l’accueillir.
Nous pouvons donc entendre assez facilement cette parabole en suivant le fil historique qu’elle suit.
La première invitation est celle faite par le Christ aux autorités religieuses, autorités qui refusent avec des arguments sont les leurs.
La deuxième invitation est celle que les apôtres font aux gens de la synagogue ; gens qui les expulsent, les maltraitent ou les tuent même.
Il s’en suit la destruction de Jérusalem par les Romains en 70. Dans le mouvement littéraire de Mathieu, le désastre qui touche Jérusalem peut apparaître comme un châtiment du refus de répondre à l’invitation.
Ici, il ne s’agit pas de châtiment, mais bien d’une conséquence de la sortie de sa ligne de vie ou de la logique de son appel à la vie.
La troisième invitation est celle que les apôtres adressent aux païens, les bons comme les mauvais et ces païens répondent positivement à l’invitation.
Nous avons un témoignage de l’acceptation de l’invitation dans l’initiation des églises par Paul de Tarse en Grèce, ou dans la ville de Philippes dans la région de Macédoine dans les années 50 et suivantes.
Philippes était une ville d’anciens légionnaires et de femmes libres et indépendantes. Luc nous a fait connaître la célèbre Lydie de la ville de Thyatire, ville réputée pour son commerce de pourpre.
Cette marchandise illustre bien la condition de ces femmes indépendantes, commerçantes aisées, comme Lydie de Thyatire, de cette société gréco-romaine.
Il faut dire qu’à l’époque, l’Évangile annoncé par Paul se distinguait par son esprit d’ouverture à tous : hommes et femmes, riches et pauvres, esclaves et affranchis, citoyens romains et non-citoyens, Grecs et Barbares, Juifs et non-juifs...
Cela faisait une vraie différence. Et si l’évangile prônait une restriction de la liberté, ou tout ce qui pourrait suggérer un rétrécissement de la vie, les gens de Philippes auraient probablement tourné le dos à l’évangile.
À l’image de Lydie, ces femmes, converties au christianisme, exerceront une grande influence dans l’Église naissante. Paul trouvera parmi elles ses premières collaboratrices.
Avant d’aller plus loin, il faut rappeler aux autorités religieuses, aux gens de la synagogue, aux païens, que l’appel est la grâce et que jeter la grâce à la poubelle revient à jeter soi-même aux orties, et cela, en vertu du lien essentiel qui s’établit entre l’appel et la ligne de vie.
On pourrait régler ce dilemme par l’absurde. L’on dirait alors, ne serait-il pas préférable de ne pas être appelé ? Ne serait-il pas préférable de ne pas être appelé à la grâce ?
On voit bien que c’est une hypothèse absurde, car personne n’est prêt à renoncer à la grâce.
Autre chose est de ne rien faire de cette grâce reçue, ou de s’engager dans un chemin qui n’est pas le sien. Ce que je nomme dans mon vocabulaire personnel, « venir de soi-même au lieu d’être appelé en tel chemin de vie », comme la personne qui arrive aux noces sans porter l’habit des noces.
Sur ce point, Paul de Tarse, Paul l’intrépide, qui trouve que Pierre est trop contenu, trop conciliant, trop diplomate, se dit «apôtre, par la grâce de Dieu ». Autrement dit, ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu.
Paul ajoute, « sa grâce à mon égard n’a pas été vaine ». Voilà ce que doit entendre la personne qui est parvenue à entrer dans la salle des noces sans le dressing code, le signe qui signifie l’accord entre l’invitation et l’événement à célébrer ou le chemin de vie.
La quatrième invitation est celle qui est à faire.
Invitation à qui ? Sous quelle forme ?
Roland Cazalis, compagnon jésuite
Is 25, 6-10a ; Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6 ; Ph 4, 12-14.19-20 ; Mt 22, 1-14