La foi, elle est là ou elle n’est pas. On n’en a pas un peu ou beaucoup. Quand nous demandons « augmente en nous la foi », nous disons « j’aimerais avoir la foi ». C’est une disposition intérieure. Jésus vient de leur dire que si quelqu’un a péché contre toi, tu as à lui pardonner autant de fois qu’il s’en repent ! Zut alors, personne n’est jamais à mettre dans une case, qu’une tête-à-claque ! Faut encore que je bouge mon regard sur lui, sur elle ? Oh misère ! Alors « augmente en nous la foi » !
J’avoue que je suis tombé sur un arbre coriace : quel rapport entre cet arbre déplacé par la foi et ce qui suit, le maître et le serviteur qui fait son devoir et n’a pas de reconnaissance particulière à attendre ? J’accueille vos lumières. J’ai compris ceci : avec la foi, je peux regarder autrement ce que je vois comme un arbre indéboulonnable, une montagne indéplaçable, un horizon bouché, une relation prison. J’ai à les considérer comme un maître regarde ses serviteurs. Ils obéissent et la vie avance : la terre, le blé, le bétail. Le maître a foi en eux, il fait confiance, et les serviteurs, ou les employés ou collègues d’équipe bougent et le bien se fait. La foi amène à les considérer, comme ils sont, c’est tout. Alors ils bougent, sans attendre de la reconnaissance. Si j’en attends parce que j’ai pardonné une fois à Untel ou parce que du bien s’est fait, je ne suis pas dans la foi. Et j’oublie que, maître vis-à-vis de quelques-uns, je suis aussi et d’abord serviteur du Maître de la Vie. Le Christ s’est fait serviteur.
Faut-il demander la foi ? Dans les évangiles, c’est Dieu qui nous demande cette disposition intérieure : « crois seulement ». Alors il peut passer, entrer en nous et libérer notre foi qui ouvre à une vie nouvelle, la Vie. Le réel que le prophète Habacuc l’amène à une longue plainte : « Seigneur, je crie, tu n’entends pas ». Sans la foi, je ne vois que des humains qui mettent leur gloire à dominer les autres, à les enfermer dans les filets de la force et la violence. La race humaine, quel drôle de truc, me dis-je parfois ! Pas drôle en fait, on sait semer peurs et misères, pas vivre ensemble. Pourtant la fin de sa plainte finira en louange : « je bondis de joie dans le Seigneur, il me donne l’agilité du chamois » ! La réalité n’a pas changé, seule la disposition intérieure du criant a changé. Il y a le monde sans la foi, et le même monde, avec la foi. L’un est habitable, l’autre non. Avec la foi, ce qui paralysait saute. Bartimée bondit. Habacuc crie de joie. Ils ont ravivé le don gratuit de Dieu. Ravive en toi le don de Dieu !