Une différence entre le Fils de Dieu et l’homme, c’est que l’homme parle quand il faut se taire et qu’il se complait à répandre des rumeurs quand le Fils, lui, lève les yeux au ciel. Les gens amènent un sourd-bègue mais ne voient pas qu’il révèle leur surdité à eux. Le pauvre alors ne peut entendre et poser une parole juste. Et Dieu choisit ces pauvres de ne pas savoir parler et entendre, dit St Jacques. « Effata ! ». Jésus sort l’infirme de son milieu pour insuffler en lui l’univers de Dieu, une haleine de vie, par sa salive créatrice et son souffle. La parole se délie, l’entendement arrive. Et là curieusement, les gens resurgissent sans qu’on s’y attende, à qui Jésus ordonne de n’en rien dire. Ils n’arrêtent pas de proclamer la nouvelle. Cet enclin à répandre la rumeur fait que l’homme reste sourd et peine à parler. Jésus est le pauvre, Dieu, qui ne peut être accueilli.
A bavasser, à rester dans l’émotion devant le miracle, je m’empêche d’entendre et de bien parler, et c’est contagieux. Suivre le Christ, c’est accueillir la source de l’Esprit qui l’anime. J’intériorise. Notre père Ignace le dit autrement : ce qui sauve, c’est la connaissance intérieure du Seigneur qui pour moi s’est fait homme. Jésus lève les yeux au ciel. Ça change tout. Sans cela je demeure cette humanité desséchée, cette terre brûlante, cabossée et parasitée par une écoute et une parole malades. Sans cela, les gens, nous, moi, nous passons à côté du Salut. En me promenant l’autre jour, une dame à qui je disais qui j’étais m’a dit, presque gênée : « vous ne me verrez pas dans vos églises ; on y va pour avoir bonne conscience ». Intéressant. En fait ça dit une relation malade, une humanité desséchée, une terre brûlante, à demeurer, elle comme moi, dans nos surdités et notre peine à parler, nos regards faussés les uns sur les autres. « Dites aux gens qui s’affolent : ne craignez pas, Dieu vient lui-même et va vous sauver ». Accueillir Dieu, Jésus, le Christ, le Fils, voilà le plus ardu. Connaître le Christ intérieurement, il faut du temps, le temps de recevoir la grâce de sa Passion et sa Résurrection, jusqu’à lever les yeux au ciel. La terre brûlante, la région de la soif, elles sont en nous, elles sont nous, tant que le Christ ne vit en nous.
Olivier de Framond, compagnon jésuite
Is 35, 4-7a ; Ps 145 (146), 6c-7, 8-9a, 9bc-10 ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-37