Dans la traduction que l’on nous propose de l’évangile du jour, nous avons des exhortations à l’impératif, qui est le temps des exhortations et des interdits.
- Que vos reins soient ceints
- Que vos lampes brûlent, et vous, semblables à des hommes qui attendent leur seigneur à son retour des noces …
Voilà des expressions qui invitent non seulement à l’action, mais aussi à l’endurance, à la persévérance, à l’effort continu.
C’est là qu’il faut bien comprendre sur quel point on doit mettre l’effort, car ce n’est pas l’effort qui vous fera passer à table avec le Seigneur.
Alors, comment commence-t-on ? Où commence-t-on ?
Comment jeune, garder droit son chemin ? (Psaume 118)
Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? (Le jeune homme riche)
À ces différentes formulations de la même question, il y a une réponse :
- Toi, accompagne-moi !
Si l’on pose ce genre de question, c’est parce qu’il y a un travail du désir en nous -le plus tôt est le mieux-, même si ce travail du désir finit par se concrétiser sur le tard.
Ce n’est pas tant l’interprétation de la parole qui fait aboutir le travail du désir.
Il s’agit en fait de deux voies bien différentes, l’interprétation de la parole et la voie qui nous allons explorer.
Dans la voie que nous indique l’évangile du jour, Dieu ne s’interprète pas, pas plus que les gens ne s’interprètent, car ce sont précisément des gens, pas des textes.
Les gens, par contre, on doit les connaître.
Pour les connaître, il faut les côtoyer ; il faut se frotter à eux et il faut parvenir à les aimer.
On ne peut pas connaître quelqu’un que l’on déteste, puisque l’on déclare qu’il n’est pas digne d’être connu, c.-à-d. qu’il n’est pas digne d’être aimé. On le tient à distance.
Puisqu’il faut fréquenter l’autre pour le connaître, alors la fréquentation de Dieu finit par déteindre sur nous. Qu’est-ce que cela produit-il ?
Cette fréquentation de Dieu engendre notre simplification ou notre unification.
Elle tourne nos affects vers les réalités essentielles.
Elle nous humanise au sens de notre accomplissement en tant qu’être humain.
Elle contribue à l’agrandissement des valeurs élevées en nous tel que la compassion, le cœur pur, le regard qui relève l’autre, le regard qui soutient l’éprouvé.
Elle nous donne le discernement, c.-à-d. la clairvoyance pour discriminer la lumière de la ténèbre.
Une fois entrés dans cette dynamique, nous nous rendons compte que nous sommes en tenue de service, c.-à-d. que nous sommes disponibles.
Notre regard est disponible.
Notre humanité est devenue compatissante.
Notre cœur est devenu humble.
Nous sommes en tenue de service, ou nous sommes à table avec le Seigneur, ce qui revient au même, car nous sommes là où il est, ou nous sommes avec celles et ceux qu’il nous envoie, ou qu’il met sur nos chemins.
C’est toujours lui qui sert ; c’est toujours lui qui soigne les blessures, les nôtres y compris ; c’est toujours lui qui lave les pieds.
Nous n’avons rien à faire valoir, pas même notre iota, pour reprendre l’échelle symbolique hébraïque, car c’est seulement par ses blessures que nous sommes guéris.
Au contraire, servir, ou être en sa présence est pour nous un honneur, un privilège.
Oui, nous n’avons rien à faire valoir.
En outre, nous avons acquis un grand sens du ridicule.
Ce sens du ridicule du jeu de l’homme devant les autres est probablement le début de la sagesse.
Roland Cazalis, compagnon jésuite
Sg 18, 6-9 ; Ps 32 (33), 1.12, 18-19,20.22 ; He 11, 1-2.8-19 ; Lc 12, 32-48