Depuis David, l’aspiration à un roi-messie est une promesse qui traverse toutes les périodes de l’histoire d’Israël. Nous retrouvons ce fil rouge dans la première lecture tirée du livre de Zacharie. En effet, en dehors de David et de quelques autres, très peu de rois se sont montrés à la hauteur de la fonction jusqu’à ce que l’institution se perde dans les sables de l’exil.
L’institution disparaîtra, mais pas la promesse qu’elle portait, à savoir, celui de l’avènement d’un roi qui est un bon pasteur, juste et sage, reflétant ainsi le visage de Dieu.
Ce que dit Zacharie est puissant en espérance et il dévoile ce que Dieu va faire, à savoir, l’envoie d’un roi qui brisera la guerre et proclamera la paix aux nations.
Cette promesse se déploie dans le temps, car Dieu fait ce qu’il dit.
Mais, il faudra compter en même temps avec la résistance des savants et des fous à l’avènement de ce royaume.
Le roi-messie fait irruption dans le monde. Sur ce point, le texte de Mathieu vient à la suite d’un ensemble où la messianité du Christ est contestée par les élites du judaïsme, en dépit des signes patents qui montrent le Christ est un homme venu de Dieu, un envoyé de Dieu, et même un envoyé d’auprès de Dieu.
Les élites se ferment à sa messianité alors qu’ils devraient être les premiers à croire en lui, car les plus au fait des Écritures.
C’est en cet endroit que l’instruction peut devenir un obstacle à l’accueil du Royaume. Or, ce n’est pas du tout inéluctable.
Plus on est savant, plus on est au fait de la complexité du monde, plus on est au fait de notre propre ignorance, plus on devient exigeant et rétif à donner sa confiance à un système de représentation que l’on ne contrôle pas.
C’est normal et sain. Mais l’on risque en même temps de rester dans l’expectative ou sur son quant-à-soi.
Or, dans la vie humaine, il y a un niveau que l’on gère par la mesure, la cohérence, l’efficacité, la plausibilité.
Dès que l’on monte au niveau supérieur, là où l’humain montre son unicité dans le monde vivant, il faut en venir au discernement des états d’âme, au discernement des émotions qui nous traversent face à tel ou tel événement qui concerne la vie même, la promesse qui nous structure en tant qu’être humain.
Cela demande d’être très attentif, d’être très présent à soi-même pour saisir l’accord.
C’est comme quand on accorde un instrument à cordes, cela demande cette attention pour saisir la coïncidence entre ce que l’on entend et la référence.
Lors de la coïncidence, ce que nous entendons fait vibrer notre référence. Ici, la référence est la promesse qui nous structure en tant qu’être humain. Et c’est la coïncidence ou la résonnance qui nous permet de donner notre confiance.
La coïncidence est le signal pour entrer dans la vie.
Voilà pourquoi on dit que les élites du judaïsme devraient être les premiers à donner leur confiance, car les plus avisées pour percevoir la coïncidence ou pour entrer en résonnance avec le roi-messie.
Mais, quelle est la promesse qui les structurait ?
Bien sûr, la question est posée à chacun, non pas comme jugement, mais pour que chacun soit en vérité par rapport à lui-même.
Sur ce point, le Christ reprochait à certaines élites de faire semblant.
La prière du Christ est une Action de grâce ou une prière de réjouissance. Elle met en évidence cette ouverture, cette confiance donnée à celui qu’il appelle papa.
Cette prière commence comme le Notre Père : « Je te rends grâce, Abba, seigneur du ciel et de la terre, car tu as caché cela aux savants et aux fous, et tu l’as dévoilés aux petits enfants »
La petitesse ou l’esprit d’enfance est une fonction du connaître. Et connaître selon la Bible est une expérience et une relation entre deux êtres. Voilà pourquoi il faudra, à un moment ou un autre, donner sa confiance à l’autre ; ici, donner sa confiance au Christ, c.-à-d. entrer dans la vie.
En effet, on ne peut pas connaître le Père ou le Fils sans eux, c.-à-d. qu’on ne peut pas les connaître tout seul de son côté et sans eux. Connaître Dieu sans Dieu, cela ne peut pas se faire.
Ensuite, le Christ appelle celles et ceux qui portent un fardeau à venir auprès de lui.
À propos de fardeau, on pourrait d’abord penser aux 613 commandements de la Loi juive répertoriés par les scribes et les pharisiens et qui pesaient sur le petit peuple. Visiblement, cette charge n’était pas une aide pour entrer dans la vie.
« Apprenez de moi », dit-il, « portez mon joug sur vous, car il est doux, parfumé, et ma charge légère »
« Apprenez de moi », dit-il, apprenez comment je suis entré dans la vie, et je suis la vie même. La vie est le reflet du visage de Dieu. La loi de la vie est l’amour.
La loi d’amour est légère, parfumée. Elle procure la paix, la joie, la bienveillance. Voilà des traits que le Christ exprime dans sa prière.
Roland Cazalis, compagnon jésuite
Za 9, 9-10 ; Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14 ; Rm 8, 9.11-13 ; Mt 11, 25-30