Jardinier de Dieu

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Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Homélie pour la Vigile pascale - célébrée en communauté à Versailles.

Publié par Dominique Degoul, compagnon jésuite sur 12 Avril 2020, 07:39am

Catégories : #Homélies

Quand j’avais 12 ou 13 ans, j’ai remarqué quelque chose : lorsque je me réveillais en pleine nuit, si tout était absolument noir, j’étais perdu, et je pouvais avoir très peur ; mais dès que je trouvais quelque part un petit point un peu plus lumineux, et que je pouvais l’identifier, j’étais retrouvé.

Tout à l’heure, le seul point lumineux était le cierge pascal : et nous avons vu à quel point cette petite flamme de quelques centimètres de hauteur était forte pour percer et éclairer dans la nuit.

Mais cette petite flamme n’aurait pas réveillé celui d’entre nous qui dormait.

 

La nuit après le grand sabbat de Pâques, tout dormait ; seule la nuit, comme nous l’avons chanté tout à l’heure, a vu la gloire du Christ se manifester.

La mort qui croyait triompher s’était donnée en spectacle ; mais c’est de nuit, bien cachée, que Dieu a redonné la vie à son fils qui avait goûté la mort.

 

Au début, les femmes viennent pour contempler le sépulcre. C’est tout ce qui reste de Jésus ; la mort est intervenue si vite, la mise au tombeau a été si précipitée, il a fallu réduire au minimum les honneurs funéraires. On a bien besoin de temps pour se recueillir devant la tombe. Pour commencer à accueillir la mort de celui qu’on a aimé.

Mais un ange vient rouler la pierre, et s’assoit dessus. Dans le tombeau, il n’y a plus personne. Dans les autres évangiles, quand les femmes arrivent, la pierre est déjà ouverte : dans celui de saint Matthieu que nous venons d'entendre, elles voient la pierre s’ouvrir : mais cela souligne d’autant plus que personne n’est venu ouvrir le tombeau pour prendre le corps. Le moment où le corps martyrisé devient corps glorieux et s’échappe du tombeau est absolument secret : personne n’a rien vu, sauf la nuit, unique témoin de la résurrection.

 

Depuis vingt siècles, chaque année, nous nous réunissons pour fêter cet événement caché ; et, comme nombre de nos ancêtres, nous la fêtons en temps de calamité. Mais cela fait 75 ans que nous n’étions plus habitués aux calamités qui rythmaient autrefois, peut être tous les 20 ou 30 ans, la vie de nos aïeux.

Et, il faut le dire, notre foi est mise à rude épreuve. L’incertitude sur ce qui va arriver, l’impossibilité de voir ceux que nous aimons autrement qu’à travers un écran, l’inquiétude où nous pouvons être chacun pour notre propre santé, ou pour celle de nos proches, les nouvelles qui nous arrivent que telle personne est malade, que telle personne est décédée… tout cela fait du bruit dans nos esprits.

Tout cela nous fait nous demander où est passé ce Dieu qui avait fait sortir les anciens du pays d’Egypte a main forte et à bras étendu.

 

Car toutes les promesses de l’Ancien Testament peuvent jouer en nous, en ces temps difficiles, comme une aide, ou comme un obstacle : une aide lorsque nous sommes en état d’écouter, lorsque, en prêtant l’oreille, nous pouvons écouter et vivre : lorsque la promesse qu’il n’y aura plus à craindre nous console et nous fortifie ; mais un obstacle lorsque les mauvaises nouvelles nous font nous demander si les promesses d’Isaïe et d’Ezechiel ne sont pas seulement, comme disait Jacques Brel, de ces fausses nouvelles qui aident à vieillir.

 

Mais dans la nuit, voici une petite flamme qui aide à s’orienter : cet homme qui est mort crucifié, Jésus, est maintenant vivant. Cela s’est produit sans bruit, mais si c’est vrai, nous pouvons entendre que tout ce qui fait du bruit, ce qui rend difficile notre chemin de foi ces jours-ci, se résume au constat que la mort, qui nous atteindra tous, épidémie ou pas, et qui se présente à nous comme le vainqueur ultime, la mort n’est pas le dernier mot de notre histoire.

Cela n’enlève rien aux craintes que nous pouvons éprouver, parce qu’il s’agit bien, aujourd’hui, de vivre concrètement cette épreuve dans ses conséquences sanitaires, relationnelles, économiques, politiques. Cela n’enlève rien à l’inquiétude de savoir tel ami malade, à l’amertume que suscite le fait de voir décéder trop de gens sans pouvoir même leur dire au revoir décemment ; mais cela redonne à cette tristesse et à cette inquiétude une coloration d’espérance.

 

En ces moments où nous sommes troublés, essayons d’entendre ce que se disent les chrétiens de langue grecque ; Christo anesthi – alethôs anesthi. Christ est ressuscité – il est vraiment ressuscité.

Car si le Christ est ressuscité, quoi qu’il en soit de nos difficultés et du trouble qu’elles agitent en nous, elles n’ont aucun pouvoir au-delà de la mort, et au-delà de la mort, Dieu redonne vie.

 

Ce soir il y a cette petite lumière, et il est possible que la bonne nouvelle de la résurrection ne nous atteigne pas encore en profondeur ; mais nous avons 50 jours pour la faire entrer dans notre vie, pour sortir de la sidération que la mort provoque, pour laisser cette petite lumière faire en nous son œuvre de foi et d’espérance.

Puissions-nous peu à peu entendre dans toute sa force ce qu’écrit Paul :  si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous vivrons aussi avec lui

Puissions-nous laisser cette douce petite lumière venir rassurer et conforter ce qui, en nous, a besoin d’être rassuré et conforté, pour nous permettre de vivre en ressuscités, c’est-à-dire debout, les difficultés de notre temps.

Amen.

Dominique Degoul, compagnon jésuite

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