Le témoignage de Mathieu de la résurrection du Christ aurait tendance à lisser les émotions et le choc que constitue la résurrection, comme le choc que constitue le décès inopiné de quelqu’un que l’on a côtoyé.
Mais, voyons ce que nous pouvons entendre pour nous-mêmes.
Il y a deux camps. D’un côté, il y a ceux qui ont condamné le Christ (le grand prêtre, Pilate et les autres). Ce camp est représenté par les soldats qui gardent le tombeau.
Le Christ est mort et le tombeau scelle à jamais le sort de celui dont le corps et le souvenir sont destinés à tomber dans l’oubli.
Dans beaucoup de tradition ancienne, comme celle de la Rome antique, l’oubli est la mort définitive, quand plus personne ne pense à vous ou ne l’exprime plus par une forme de culte. Donc, la dernière tombe est la mémoire.
Pourquoi garder la tombe ? Les gardiens sont épouvantés par le tremblement de terre et sont devenus blêmes comme des morts-vivants.
L’ange qui a roulé la pierre tombale s’est assis dessus. C’est le signe de la victoire de l’autre camp, les vainqueurs, en s’asseyant sur l’objet qui devait consacrer la victoire du camp adverse.
Le tombeau est vide ! Donc, l’oubli sur lequel comptait le premier camp tombe à plat. Le tombeau a oublié ce qu’il contenait.
Les gardes ne voient pas et ne verront pas le Ressuscité.
En revanche, le Ressuscité prend l’initiative de se montrer aux femmes qui le cherchaient. C’est lui qui vient à leur rencontre.
Ce trait peut paraître un détail épais comme une feuille de papier.
Mais, on voit la différence entre l’avant et l’après.
L’avant, quand un homme, Judas, pouvait, a priori, trahir le Christ parce qu’il était comme tout le monde, repérable, identifiable, géolocalisable.
Maintenant, le ressuscité se montre à qui il veut. Il n’est plus géolocalisable.
Voilà la liberté que donne le statut de ressuscité. Désormais, plus personne n’a pouvoir sur personne. C’est la fin de la tyrannie. La vie ne peut plus être retenue dans les filets d’aucun oiseleur.
Seule la liberté est souveraine. Il n’y a plus à craindre les calculs et les manigances d’autrui. L’autorité revient à l’amour seul.
Les gardes ont seulement le pouvoir de garder le tombeau, un tombeau vide. D’ailleurs, ils ne savent pas que le tombeau est vide. En revanche, ils n’ont pas le pouvoir de voir le Ressuscité. Lui seul a le pouvoir de se montrer à qui il veut.
À l’absurde des gardes qui veillent un tombeau vide, s’oppose la grâce se manifestant par la vie qui sourit à ses femmes, sans qu’elles aient à laisser de cadavres derrière elles.
Il faut être bien enraciné dans la vie pour comprendre que l’on n’a pas besoin de laisser des cadavres derrière soi pour que la vie vous sourie.
La grâce c’est que le Ressuscité prenne l’initiative de se monter à vous alors que vous le cherchiez, alors que vous cherchiez la vie.
Que le Ressuscité se montre à vous signifie que vous êtes visité par celui qui est le vivant, que vous avez la vie devant vous, que la vie s’ouvre pour vous.