La Transfiguration, quel événement déconcertant ! Qu’en retiendront Pierre, Jacques et Jean ? Qu’ils ont été paumés, c’est sûr. Qu’ils ont vécu une drôle de vision où Jésus leur était repris avec un Moïse et un Elie encore jamais rencontrés. Il se jouerait a priori quelque chose d’un accomplissement des Écritures. Ils n’ont vu qu’un soleil, une lumière blanche, un Jésus non reconnaissable. Le pauvre Pierre a essayé de tenir debout en jouant au bon scout qui plante les tentes, et là une nuée lumineuse – encore la lumière – les aveugle. Une lumière qui les couvre de son ombre, surprenante expression. Et une voix, non reconnaissable, les envahit. Ils ne tiennent plus, ils perdent l’équilibre, ne distinguant plus le haut du bas, l’avant de l’arrière. Alors ils tombent. Face contre terre, seule façon de se protéger. La voix, ils l’ont retenue : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie ; écoutez-le ». La vision insoutenable s’arrête quand Jésus vient les toucher : « relevez-vous, soyez sans crainte ». Enfin une parole et une main reconnaissables ! « Soyez sans crainte », ça ils l’ont entendu 100 fois, mais « relevez-vous » c’est une première, il me semble. Et c’est la redescente. Cette vision aura vacciné Pierre contre toute envie d’être un montagnard. Pourtant elle va préparer les disciples à recevoir et traverser la Passion jusqu’à l’expérience de Pâques. C’est ce qu’ils retiendront sans doute plus que tout.
Je ne sais pas pour vous, mais j’ai trouvé peu évident le lien avec la lettre de Paul et l’appel d’Abraham. Peut-être la Transfiguration invite à recevoir un appel à quitter des assurances éphémères, pour s’éprouver perdu jusqu’à être relevé par la main du Ressuscité ? « Va vers le pays que je t’indiquerai ». Va vers toi-même. Marche vers ta vocation, dit Paul. Va vers ce qui te fait accueillir davantage le projet de Dieu et sa grâce, et annonce-le, vis-le. Autrement dit annoncer l’Evangile, ce serait consentir à me laisser aveugler par la lumière du Transfiguré jusqu’à être relevé par lui et marcher vers moi-même, vers ma vie, vers la joie. Voici le chemin de Pâques où Dieu semble nous conduire. Heureux qui aura compris un petit « truc » de cet événement ...