« Que le Seigneur te bénisse et te garde !
Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage,
qu’il te prenne en grâce !
Que le Seigneur tourne vers toi son visage,
qu’il t’apporte la paix !
Ils invoqueront ainsi mon nom sur les fils d’Israël,
et moi, je les bénirai. »
Cette bénédiction est transmise par Moïse à Aaron et ses fils, c.-à-d. aux prêtres, voilà pourquoi la tradition l’appelle « la bénédiction sacerdotale ».
Par ailleurs, cette bénédiction est si sacrée que les synagogues du temps du Christ ne la proclamaient qu’en hébreux, tandis que la langue parlée était l’araméen.
En outre, seul pouvait la prononcer un Cohen, membre d’une famille de prêtres.
Cette bénédiction est aussi devenue un emblème des familles franciscaines. En effet, elle est copiée de la main de François d’Assises pour le Frère Léon qui en une période de tentation, devait la porter cousue dans ses habits.
Ainsi, il est bon que ce texte soit évoqué en ce premier jour de l’année, jour où s’échangent les vœux, jour où nous appelons la bénédiction divine sur nos proches et sur le monde.
Puisque nous nous tournons vers Dieu, alors, nous n’appelons ni ne désirons la chance ; nous appelons la grâce !
Que le Seigneur te bénisse- qu’il te garde :
Nous nous tournons vers le Seigneur, car sa bénédiction fait ce qu’elle dit.
Nous évoquons par là même, les préoccupations qui nous habitent et celles qui habitent le monde pour qu’elles soient dissipées.
Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage-
Souvenons-nous du visage de Moïse descendant de la montagne à l’issue de sa rencontre avec le Seigneur.
Son visage était lumineux pour s’être exposé à la lumière qu’est Dieu.
Tel est l’effet de la proximité de Dieu quand il tourne son visage vers celui qui se fait proche.
Que le Seigneur tourne vers toi son visage-
Voilà la grâce même, celle qui dit que Dieu me connaît, et cette reconnaissance est source de paix et d’harmonie avec soi-même.
On comprend intuitivement l’importance de se « tourner vers toi », car ce dont on se plaint habituellement est l’impression que le Seigneur a détourné sa face de moi, ce qui signifie la perte de mon rempart le plus sûr, la perte de ma propre face.
On voit également que ces trois bénédictions tournent autour de la même grâce.
La grâce qui est donnée au monde en général et à tous ceux qui l’acceptent en particulier est le mystère de l’Incarnation qui voit le Verbe de Dieu entrer dans la condition humaine.
À ce stade, la proximité de Dieu avec l’humanité ne peut pas être plus grande. En outre, du point de vue individuel, Dieu envoie l’Esprit du Christ en chacun, et cet Esprit crie en nous Abba, comme le Christ lui-même le disait.
Ainsi, ce n’est pas nous qui adoptons Dieu comme Père ; - auquel cas, nous ne serions qu’avec nous-mêmes-, c’est lui qui fait de nous des fils.
La grâce qu’est le mystère de l’Incarnation nous dit que le Verbe est entré dans le monde comme n’importe qui, c.-à-d. comme cela doit se faire dans le monde humain, à savoir, en naissant d’une femme.
En cela, Marie n’est pas seulement la Christotokos, la mère de l’homme Jésus qui par après se serait uni à la divinité, comme dans l’hérésie d’Arius.
Marie est bien la Theotokos, la mère du Fils de Dieu d’après le concile d’Éphèse de 431.
La Theotokos est en soi une confession christologique. Le Verbe de Dieu est pleinement humain. On ne peut pas séparer Marie du Christ dans le mystère de l’Incarnation, sinon il y a quelque chose d’essentiel de ce mystère qui nous sous-estimons, à moins que nous la niions.
Ainsi, l’importance que prend Marie en théologie catholique et orthodoxe ne résulte pas de la piété populaire ; il s’agit d’une confession christologique des plus basiques.
Ce qui nous est dit de la part du Seigneur est un langage et une grammaire que chacun doit apprendre avec l’expérience.
Il convient de garder dans son cœur ces paroles, comme le fait Marie à l’Annonciation, aux dires d’Anne la prophétesse, aux dires du vieillard Syméon, et à toutes les motions de l’Esprit et qui ne sont rapportées nulle part puisqu’elles ont eu lieu directement dans son cœur.
Quand ces paroles s’accomplissent, leur sens plénier se fait jour et le sens de notre existence s’intensifie. Rappelez-vous l’expérience du tombeau vide de Jean. Il n’avait pas saisi le sens des paroles du Christ, mais il les gardait en mémoire. On mémorise ce que l’on ne comprend pas en espérant leur dénouement.
Alors, pour demander la grâce pour vous au seuil de cette année 2023, je n’ai pas de meilleure formule ni de meilleure intention que les paroles de grâce de Moïse :
Que le Seigneur vous bénisse et vous garde !
Que le Seigneur fasse briller sur vous son visage,
qu’il vous prenne en grâce !
Que le Seigneur tourne vers vous son visage,
qu’il vous apporte la paix !
Amen
Roland Cazalis, compagnon jésuite