******************
Mt 16, 24-28 : Se risquer pour entrer dans la vraie vie
Mt 16, 24-28 : En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ? Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite.
Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venir dans son Règne. »
Ce passage d’évangile n’est pas simple à recevoir. Il nous parle de notions essentielles ainsi que du lien entre elles, et d’une manière très ramassée : la suite du Christ, la vie pour nous, la mort pour nous… et, en plus, la liturgie nous propose ce passage de l’évangile, coupé de son contexte, notamment de l’algarade de Jésus envers Pierre. Son aspect « principiel » en est, du coup, comme renforcé avec, qui plus est, une conjonction de coordination « car » entre le premier verset et le deuxième qui justifie les propositions du premier. C’est logique, quasi mathématique… Accrochons-nous.
Réécoutons-les pour comprendre : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. La suite, il y a des questions qui viennent renforcer le propos « Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ? » Le dernier verset renvoie à la suite de l’histoire. « Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. » Là où le sens de ce petit développement se joue, c’est bien dans les deux premiers versets « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. » et même dans : « qui perd sa vie à cause de moi la gardera ».
Je vous propose une piste non exclusive, que j’appelle la piste Kisscool. Les gens d’une certaine génération comprendront. Une société de confiserie Cadbury France a promu sa friandise pour quelques années en mettant en avant qu’après le premier effet de la confiserie, la sensation de fraicheur, un deuxième effet euphorisant ou délirant se déployer… Ici, il peut en être de même mais dans le champ de la conversion spirituelle.
Alors comment comprendre « perdre sa vie à cause de moi » ? cela paraît impossible, comment perdre sa vie à cause du Seigneur qui veut notre bien, notre vie en plénitude… et comment peut-on alors la garder… et bien voilà une manière de voir. Bien des chrétiens ont vécu déjà cette expérience. Le Seigneur m’a touché, il m’a mis en mouvement, et je m’efforce de le suivre, j’y mets toute mon énergie, je fais tout ce que je peux, de fait, je fais effort autant que je le peux, je renonce à moi-même, je prends ma croix en m’efforçant de faire ce qui va contre mes manières de voir de faire habituelles, j’essaie d’imiter le Christ je le suis… Mais à un moment sur ce chemin je craque, je n’y arrive plus, je fais le contraire de ce que je veux, les choses deviennent excessivement lourdes pour moi, je suis à deux doigts de renoncer, si le désespoir est grand cela peut même aller jusqu’au suicide…
Vous avez reconnu le début du séjour d’Ignace à Manresa, jusqu’au jour où il y a un basculement en moi. Je ne puis plus rien faire pour le Seigneur et il m’est donné de pouvoir faire avec lui et lui avec moi. Je lui parle. Il n’y a plus d’obligations, mais des décisions qui se prennent à partir de ma situation en les discutant avec Lui, en les pesant avec Lui. A travers cela je fais l’expérience d’une nouvelle vie, une vie qui n’est pas centrée sur moi mais une vie en relation, une vie en moi mais une vie qui m’enveloppe, une vie que je reçois… et comment dire il n’y a pas qu’Ignace à vivre cette expérience.
Ainsi cette dame qui fait l’expérience, un jour, que Dieu est amour et du coup elle réorganise toute sa vie autrement. Elle prend beaucoup de décisions selon ce principe. elle s’efforce d’aligner sa vie. Mais un jour, elle entend d’une amie que l’Amour de Dieu est gratuit. Alors tout change pour elle à nouveau. Il n’y a plus de presse, d’obligation, il y a simplement le goût de peser les choses avec amour, de les dialoguer et d’agir à partir de là. La vie est toujours là, mais elle est autre.
Notre chemin de vie passe par la crise, il ne passe pas par des efforts pour accroitre ce que je puis déjà faire, sinon je continue à être enfermé en moi, dans mon ego. Le chemin s’ouvre quand je ne fais pas à partir de moi mais à partir de ce qui naît en moi, dans ma plus grande pauvreté, dans la vie que j’accueille au présent.
Alors n’ayons pas peur d’y aller vraiment, de tout faire ce que nous pouvons, jusqu’au risque de tout rater, alors il viendra à nous et nous prendra par le bras, alors il nous sera donné de nous ouvrir à une présence autre de sa part… « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive… » et alors… je perds ma vie et il vient à ma rencontre…
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite
MERCI à L'AUTEUR de CETTE IMAGE
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :