Mt 10, 37-42 Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète

Mt 10, 37-42

En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. »

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L’intelligence de tout texte repose sur la considération que nous avons de telle ou telle personne présente dans le texte, de tel ou tel aspect du récit. Le texte dépasse toujours l’intelligence que nous pouvons en avoir. Il est une source de sens multiples et, ainsi, il peut interroger nos vies dans leurs diversités.

Ici, dans le dialogue entre Jésus et ses apôtres, spécialement dans la partie consacrée à l’accueil, nous pouvons considérer celui qui va accueillir (comme cela a été fait dans un post précédent Mt 10,37-42 Prendre le goût de l’autre, l’accueillir - - Jardinier de Dieu), mais nous pouvons aussi considérer celui qui va être accueilli, le disciple. Le « vous » de « qui vous accueille » et non le « qui ».

Celui qui accueille peut le faire parce qu’il reconnaît en l’autre, un prophète ou bien un homme juste, voire un homme, simple disciple. A cet autre, de savoir être dans son existence selon ces trois dimensions pour être reconnu et accueilli. Ces dimensions recoupent notre triple vocation baptismale, prophétique, royale et sacerdotale. Il est intéressant de noter que la première est la plus simple à identifier un prophète en sa qualité de prophète, mais la dimension royale quant à elle se manifestera par une attitude juste et la dimension sacerdotale encore plus secrète en étant un simple disciple qui prie son Seigneur dans le secret…

Cela peut se comprendre du point de vue de celui qui reconnaît l’autre dans sa manifestation. Il peut dans le premier cas se rapporter à ce qui dit l’autre qui le fera reconnaître comme prophète, le deuxième cas est moins évident, c’est le regard sur la manière d’agir de se comporter qui fera percevoir la justice de celui qui agira dans son domaine de responsabilité comme un roi, quant au troisième cas, l’invocation sacerdotale du Seigneur demeurera secrète, ne donnant de reconnaître en cet autre, un pauvre à qui il peut être donné un verre d’eau.

Mais la hiérarchie de sens peut s’inverser. Le bon prophète est celui qui est, dans son agir, le juste roi en son domaine de responsabilité, habité par une attitude sacerdotale offrant à Dieu toute l’humanité dans le secret de son cœur. Alors la dimension la plus secrète, celle qui s’exprime la moins par l’agir ou le verbe se manifeste, à vrai dire, comme la plus essentielle. Le bon prophète le sera parce qu’il est juste dans son office royal de service et que l’attitude juste en lui est permise parce qu’il est simple disciple offrant à Dieu lui-même et ce qui se présent à lui.

Sachons cheminer selon ces trois attitudes en veillant à faire vivre d’abord dans le secret notre offrande sacerdotale de tous nos frères et sœurs en humanité, aimés du Père, à exercer notre justice là où nous le pouvons et de là laissons surgir, dans la situation qui le requiert, la dimension prophétique de notre être. Jésus, Marie, Joseph sont pour nous de puissants exemples.

Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite