Cette recommandation de Jésus « quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour » nous mène loin si nous la recevons et cherchons à la mettre en pratique. Elle chamboule d’abord notre principe « habituel » de considération de l’échange marchand dans notre tête. Dans ce cas, je donne et quelque chose m’est donné en retour dans le mouvement. C’est donc en gros comme un jeu à somme nulle. Il y a substitution et non création à proprement parler.
Faire ce que nous propose Jésus nous conduit à considérer l’échange tout autrement. Donner sans retour conduit ailleurs. Plus de retour du même différent mais à la découverte d’un manque en moi avec ce que j’ai donné et que je n’ai plus, et aussi à une ouverture dans la relation « autre », esquissée avec celui à qui j’ai donné, une attente de réponse gratuite : cela pourra prendre la forme d’un sourire, d’une aide inattendue plus tard, d’une inclusion, que sais-je ? Et peut-être bien, au bout du compte, à réaliser que c’est bien comme cela que je vis dans mon fond le plus secret, sur ce que je prends comme ça automatiquement ou sur ce que je prends le temps de recevoir… sur un fond ou non de gratuité, de relation… Si je donne à l’autre sans idée de retour pour moi n’y aurait-il pas aussi quelqu’un qui m’aurait déjà donné sans retour et qui est, peut-être bien en attente ?
La bonne nouvelle de cette page d’évangile ne serait - elle donc pas de me donner de prendre conscience aujourd’hui que cette manière d’être, d’exister sur un fond de don est celle qui m’habite en vrai au plus profond…
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite