Je suis heureux de pouvoir dire quelques mots sur ce que nous sommes tous en train de vivre. Reprenons ce qui nous a été offert depuis le début de la cérémonie… reprenons le de l’intérieur...
Nous tous ici nous sommes comme des bergers, appelés par des anges, les anges de la liturgie, et moi également avec des compagnons jésuites qui sommes descendus du Châtelard…
Oui nous sommes attendus, accueillis par ceux qui ont préparés la liturgie avec la belle image du conte de ce berger qui arrive à poser un geste si profond d’humanité parce qu’il a été aidé, suscité, et parce qu’il était libre de le faire. Ce conte m’a touché quand je l’ai entendu…
Oui en chacun de nous, les êtres humains, il y a une capacité de don, de bonté
L’enjeu pour chacune de nos vies est de pouvoir la faire surgir, lui donner de s’exprimer...
Alors la question pour nous devient comment faire pour que cette capacité de bonté se concrétise en chacun de nous ? Cette question a travaillé bien des chrétiens. Il y a eu notamment Saint Augustin, un homme devenu chrétien puis évêque, qui a écrit des ouvrages fondamentaux, notamment ses confessions pour raconter comment il est devenu chrétien. Il a aussi beaucoup médité sur la liberté humaine, il avait l’habitude de dire en parlant de Dieu « celui, qui nous a créé sans nous, ne nous sauvera pas sans nous ». Et il y a aussi, plus près de nous, Jean Marie Vianney, le curé d’Ars, né à Dardilly qui avait cette formule bien connu « l’enfer c’est une porte formée de l’intérieur »
Dieu nous a créé libres alors tout doit venir librement de notre cœur, du coup Dieu ne peut pas agir, forcer notre liberté. Il ne peut faire autrement que de nous faire signe pour parler à notre cœur, toucher notre cœur, pour que notre cœur de lui-même s’ouvre…
Et ce soir nous avons vu quelqu’un sur la réserve, le jeune berger, qui se donne parce qu’il entend le cri de l’enfant… Alors dans l’évangile que j’ai lu, il y a un mot qui m’a touché. C’est celui d’« emmailloter » : le geste de Marie. Son enfant, nouveau-né, pousse Marie à prendre soin de lui, lui, le démuni... La vie, elle se propage toujours si nous en prenons soin.
Alors je me suis dit : ceux qui ont préparé la célébration, qui ont rédigé ce conte nous ont emmaillotés, ils ont veillé sur nous : merci à eux...
Et la bonne nouvelle que nous célébrons tous ensemble cette nuit avec tous nos frères et toutes nos sœurs du monde entier, et soyons en certain, bien plus que les simples chrétiens, la bonne nouvelle, c’est que nous sommes tous capables de bonté. Il y a en chacun de nous tout au long de notre vie, jusqu’au dernier jour, un germe de bonté, prêt à éclore… nous pouvons nous réjouir de cette bonne nouvelle, il suffit que nous soyons sollicités et que nous répondions.
Mais je vous propose de faire encore deux pas de plus. Pourquoi donc sommes-nous capables de prendre soin des autres ? C’est parce qu’ils en ont besoin. Notre bonté, notre pitié se met en mouvement par la présence de l’autre démuni… C’est le cri du bébé qui met en route le berger, c’est le petit corps de l’enfant nouveau-né qui fait que sa mère l’emmaillote.
Jésus, le Fils de Dieu, vient sur terre pour vivre sa vie et pour donner sa vie
Et il accepte d’être radicalement vulnérable, d’avoir besoin, de dépendre des autres et, du coup, il nous donne de pouvoir ouvrir notre cœur. Il y a deux moments clefs dans la vie de Jésus : sa naissance et sa mort qui enclenchent chez l’autre le soin. Dans son évangile, Luc rapproche la naissance et la mort de Jésus avec le geste du soin. Il écrit pour l’un de ces moments : « Marie mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (Lc 2, 7). Marie a son cœur ouvert par son enfant et elle prend soin de lui. Et pour l’autre moment, Luc écrit : « Puis Joseph d’Arimathie descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans un linceul et le mit dans un tombeau taillé dans le roc, où personne encore n’avait été déposé » (Lc 23, 53). Joseph a son cœur ouvert par son ami défunt, abandonné et il prend soin de son corps. Alors nous avons peut-être à réaliser qu’en plus de pouvoir être généreux dans notre vie, nous pouvons aider l’autre à l’être en acceptant d’être démuni. Si je suis capable d’offrir ma fragilité, d’offrir le besoin que j’ai de l’autre, je le sollicite et je deviens humble : « oui mon frère ma sœur j’ai besoin de toi », en faisant ainsi je fais comme Jésus qui a reconnu qu’il avait besoin des autres… à la fin de sa vie, avant de la donner à la Croix, il a dit à ses disciples « j’ai désiré d’un grand désir manger ce repas avec vous » (Lc 22, 15). Jésus leur dit son besoin d’eux. N’ayons pas peur de dire aux autres le besoin que nous avons d’eux… humblement… cela nous fait faire un pas de plus que celui de la bonté, c’est celui de la pauvreté reconnue.
Mais il y a un autre pas encore… c’est de prendre conscience de ce qui se vit et de l’exprimer pour solliciter le cœur, la liberté des autres comme Marie qui , « cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » (Lc 2, 19). Marie les méditait pour elle mais aussi pour nous, pour que la promesse de vie soit reçue par d’autres. Oui je suis capable de me souvenir de ce qui m’a fait vivre et de le proposer à d’autres comme un chemin de vie pour eux à leur tour...
Sachons faire ces trois pas et sautons de joie. Je suis capable de prendre soin, je suis capable de reconnaître ma fragilité, je suis capable d’exprimer tout ce qui arrive par-là entre nous les êtres humains...
Et si chacun de nous, mes frères, mes sœurs, nous faisons ces trois pas… à la suite de Jésus et de Marie alors notre humanité renouera avec la vraie vie, et Noël sera tous les jours. Je souhaite à chacun de vous un bon Noël.