L’évangile avance, Jésus a réussi à établir un petit monde à sa suite. Il y a les disciples mais aussi des foules et d’autres personnes qui sont en recherche, dans sa mouvance. Du coup, la question de la régulation surgit au sein de cette nébuleuse : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. ». L’occasion pour Jésus de nous donner de nous mieux connaître et de percevoir pour chacun de nous l’enjeu de sa suite : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ». En effet, suivre Jésus au point de faire des miracles en son nom ne peut se faire sans une profonde mobilisation de soi, ce qui induit une fidélité à la personne même de Jésus. Une cohérence de l’être entre le dire de la foi et le faire du geste posé en son nom s’impose.
Cela veut dire que pour nous, les disciples, plusieurs millénaires après, nous avons à découvrir la dimension profonde de notre être requise pour la suite véritable du Seigneur. C’est notre cœur, celui que nous laissons être qui doit se mobiliser au-delà même de sa pleine conscience, dans un abandon entier. Nous nous confions à lui du plus profond de notre être. C’est le chemin auquel il nous invite. Dès lors devant ce fondamental d’existence, tout le reste devient relatif, y compris notre propre capacité d’agir, de réussite. Ce qui compte vraiment c’est la profondeur sans fond de notre relation à lui, l’entrée dans le royaume de Dieu son Père, la vie éternelle, c’est-à-dire la vie de Dieu, la vie en Dieu, la vie avec Dieu. L’action, notre action, sera marquée de cette donnée fondamentale. Nous ferons tout au nom de Jésus, en Lui, avec Lui, par Lui… Œil, pied, main, moyens de l’action, sont seconds par rapport au cœur qui se laisse engendrer dans la relation à fond perdu avec le cœur de Jésus, le Fils. Notre être est réconcilié porteur de réconciliation véritable, respectueux de tous, ajusté à tous.
Peu à peu se révèle l’enjeu de la suite véritable de Jésus, l’arrivée à Jérusalem approche, bientôt la Passion…
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite