Jardinier de Dieu

Jardinier de Dieu

Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Dimanche 29 septembre 2024 - 26ème dimanche du Temps Ordinaire, année B

Publié par Roland Cazalis, compagnon jésuite sur 28 Septembre 2024, 14:23pm

Catégories : #homelie_cazalis, #homélie_cazalis

Le passage que nous propose le livre des nombres aujourd’hui nous donne un petit aperçu des mouvements de l’âme de Moïse.
Guider le peuple à travers le désert est une charge.
Le peuple est indocile ce qui n’arrange rien. Existe-t-il des peuples dociles ?
Le peuple a déploré le manque de nourriture, puis a réclamé de la viande à la place de la manne.
Moïse intercède, parfois se décourage, mais finalement, il tient la barre.
 
C’est alors que nous avons l’épisode dans lequel Moïse va recevoir de Dieu des auxiliaires temporaires pour l’aider à porter momentanément la charge.
Néanmoins, il y a une ambiguïté dans le texte.
Nous connaissons la scène. 70 anciens sont convoqués sous la tente de la Rencontre. Cette tente était, pour le peuple dans le désert, comme un temple transportable. La tente abritait l’Arche d’alliance renfermant les Tables de la Loi et symbolisant la présence réelle de Dieu. Aller vers la tente de la Rencontre était donc un acte important.
 
Les 70 s’y rendent et reçoivent une part de l’Esprit donnée à Moïse, et ils se mettent à prophétiser, signe qu’ils ont bien reçu leur part d’Esprit.
Le quantum d’Esprit qui dirige le peuple par Moïse n’est pas augmenté, mais simplement réparti.
Ce quantum suffit donc. Notons cela. « Ma grâce te suffit, le quantum qui repose sur toi est suffisant ». Nous connaissons l’expression.
Parfois, nous disons ou les gens disent, « pourquoi Dieu ne fait pas ceci ou pourquoi il n’intervient pas dans cette situation? ». Nous avons peut-être la réponse.
Le quantum de grâce ou d’Esprit qui repose sur les protagonistes suffit.
 
À moins que Dieu ne trouve personne ayant une disposition pour y faire reposer son Esprit.
 
En d’autres occasions, le Christ dit « demander, ou prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson ».
 
Il dit par ailleurs, « demandez et vous recevrez, mais quand vous demandez, demandez l’Esprit ».
 
La suite de l’histoire, nous la connaissons. Deux anciens ne sont pas venus à la tente de la Rencontre et sont restés au camp avec le peuple. Ces deux-là reçoivent aussi un quantum d’Esprit.
Au total, cela fait 72 anciens ayant reçu un quantum de l’Esprit donné à Moïse, soit 6 anciens par tribu.
On nous donne leurs noms, Eldad et Médad, ce n’est pas un hasard.
Dans ces deux noms, on trouve « DaD » qui signifie l’« amour ». « eL », c’est Dieu, et donc « Eldad » signifierait : « aimé de Dieu », ou « Dieu a aimé ».
Le « Mem » de Medad désigne l’origine, ou l’instrument. Donc,  « Medad » signifierait « de l’amour », ou «bien-aimé».
 
Bien entendu, les rabbins s’en donnent à cœur joie dans les interprétations, en complétant le texte. On peut interpréter comme on veut, car on est avec soi-même.
 
Ce que l’on peut dire avec une certaine objectivité, c’est qu’ils ne sont pas venus vers Dieu, soit parce qu’ils n’étaient pas invités par Moïse, soit pour une autre raison. De toute façon, symboliquement le compte n’y était pas.
Alors c’est Dieu qui est venu vers eux ; c’est Dieu qui les choisit. C’est un peu ce que leurs noms tendent à suggérer. Dieu accomplit l’action de Moïse.
 
La suite du texte nous apprend davantage sur Moïse.
 
L’attitude d’Edad et Medad provoque l’ire de Josué, le second de Moïse, car ces deux-là ne font pas partie des 70 élus.
Josué révèle là un visage de chien de garde des privilèges, alors que Moïse ne s’offusque pas.
 
Serais-tu jaloux pour moi ? dit-il. Si quelqu’un devait être jaloux, ce serait moi. Mais je ne le suis pas. Bien au contraire, il acquiesce ce qui vient de se produire.
 
La réaction de Moïse est formidable, car il dit « Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! Si le Seigneur pouvait mettre son Esprit sur eux ! »
Voilà la prière de demande de Moïse qui est une parabole du Royaume.
Moïse se réjouit d’avance de cette perspective au lieu de jalouser.
Se réjouir de la libéralité de Dieu, de ce qu’il fait chez les autres et qui ne me prive de rien.
Comme disait la parabole des talents, « Serais-tu jaloux parce que je suis bon ? » (Mt 20,4)
 
La réaction de Moïse prouve que l’Esprit repose sur lui avec puissance, car il ne jalouse pas. L’amour ne jalouse pas disait Paul dans son hymne à l’amour.
 
Dans la réplique de cet événement dans l’évangile, le Christ fait une remarque aux apôtres.
 
N’ayez crainte. Dieu est libre. L’Esprit ne se repose pas sur celui qui ne veut pas de lui ou qui n’est pas disposé à l’œuvre de Dieu.
Autrement dit, celui qui reçoit un quantum de l’Esprit ne peut pas, par la suite, blasphémer.
 
Les répétitions sont importantes dans la pédagogie spirituelle et dans la pédagogie tout court.
 
La première fois, on peut être surpris, être perplexe et réagir comme Josué ou comme les apôtres qui ont empêché cet homme de faire du bien à autrui.
La première fois, on peut interpréter l’acte comme un événement sans suite.
La deuxième fois nous rappelle la première.
La troisième fois inscrit l’événement dans la normalité.
C’est comme cela que Dieu fait.
 
Quand l’événement est unique, comme l’Incarnation, alors l’événement est annoncé très longtemps à l’avance, car le sens de l’événement unique se réduit au fait. Il y a !
 
L’événement annoncé est précédé d’autres faits qui sont des prémonitions de l’un ou l’autre aspect de l’événement et qui explicitent en fait cet événement.
 
Ensuite, quand l’événement se produit, il doit cocher toutes les cases de ses descriptions anticipées. C’est ainsi qu’on le reconnaît, car il est unique. Il n’y aura pas de redites.
La fin de l’évangile nous parle d’un thème qui est très cher à Ignace de Loyola, à savoir, prendre les moyens pour avancer, non seulement dans la vie spirituelle, mais dans la vie humaine, car la vie est une.
 
La pédagogie utilisée ici consiste à se référer à des parties corporelles, comme la main, le pied, l’œil, des éléments qui font partie de nous, que nous ressentons.
 
Ici, l’enseignement est donné négativement. Il s'agit de mettre à distance ce qui nous conduit au mal, ce qui nous conduit à notre perte, ce qui nous conduit au péché.
L’image utilisée montre qu’il faut de la volonté pour mettre à distance ces choses tant elles peuvent nous coller à la peau.
Il peut s’agir de « mauvaise fréquentation ». Maintenant, les possibilités de fréquenter n’importe qui se sont décuplées avec les réseaux sociaux.
Nos affects en sont imprégnés, d’où la difficulté de mettre de la distance.
 
Mais, il faut aussi prendre l’exhortation du Christ sur le plan positif, à savoir, prendre des moyens pour progresser dans la vie.
Dans cette perspective, on peut demander l’Esprit de discernement.
On peut aussi se tourner vers celles et ceux avec qui on peut discuter et recevoir des lumières, car justement, la libéralité de Dieu peut se manifester de manière inattendue, chez n’importe quel Edad ou n'importe quel Medad. 
 
Roland Cazalis, compagnon jésuite
 
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