Jardinier de Dieu

Jardinier de Dieu

Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Dimanche, 25 juin 2023.

Publié par Roland Cazalis, compagnon jésuite sur 24 Juin 2023, 21:36pm

Catégories : #homélie_cazalis

La première lecture est tirée du livre de Jérémie.
 
Jérémie est appelé au service du Seigneur comme prophète dès son jeune âge. On trouve des traces de cet appel dans les psaumes : “Avant de te former au ventre maternel, je t’ai connu; avant que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré; comme prophète des nations, je t’ai établi”.
Vu son jeune âge, Jérémie se posait des questions sur son autorité. En effet, est-ce que l’on ne l’enverra pas paître dès qu’il ouvrira la bouche pour parler de Dieu ?
Mais Dieu dissipe ses doutes en lui disant : « Va ! Je suis avec toi ».
Voilà des signes d’authenticité de la mission donnée par Dieu à quelqu’un qui est selon son cœur, et non pas à un expert qui ne se fierait qu’à ses talents et son ego surdimensionné.
Ensuite, rien ne sera épargné à Jérémie. Il est même découragé par l’adversité au point de maudire le jour de sa naissance. Mais peine perdue.
Durant ses 50 ans de ministère, il connaît 5 rois et un gouverneur ; il meurt en exil volontaire en Égypte.
Il connaît les invasions, le siège de Jérusalem, la destruction du temple et la déportation des forces vives à Babylone.
Lui, Jérémie, il ne va pas avec les déportés à Babylone, mais sur proposition, il préfère aller avec le nouveau gouverneur du pays Godolias et les peuples restés dans le pays.
L’un de ces rois, Jéchonias, ne suit pas la ligne de son père Josias et entraîne le peuple dans le luxe des cultes païens, avec la bénédiction de la cohorte de prêtres et de faux-prophètes. Ces derniers flattent le roi et le peuple afin de gagner leurs faveurs. Ces prêtres et faux-prophètes sont les populistes de l’époque.
Jérémie avait donc beaucoup à faire pour remettre de l’ordre et rappeler au peuple le chemin pour faire pousser la vie.
L’exil à Babylone est une épreuve. Mais c’est aussi un temps d’innovation, un temps de compréhension, un temps pour faire mémoire.
 
Il n’y a plus de temple pour offrir des sacrifices, donc il n’y a plus besoin des prêtres-sacrificateurs. Ces derniers sont progressivement remplacés par les scribes et l’on voit émerger l’institution synagogale, c.-à-d. des lieux où les Judéens se retrouvent pour écouter la parole et réciter de prières.
Voilà qui pourrait inspirer l’église aujourd’hui aux prises avec ses interrogations sur son organisation.
En conséquence, l’exil est l’occasion de l’émergence d’une nouvelle fécondité sur laquelle vit toujours le peuple juif, tel le passage du rite sacrificiel à l’intériorisation de la relation à Dieu.
 
Alors, comme nous le savons, la notion de péché a un très grand pouvoir de captation en Occident. La deuxième lecture en donne un aperçu. En conséquence, il ne faut pas se laisser voler la grâce par ce mot au grand pouvoir d’occultation.
 
La grâce est première et le demeure.
 
Quand il y a appel, alors ce dernier fait retentir la grâce dans notre cœur, de sorte qu’il n’est plus possible de l’ignorer, car l’appel ou la grâce devient le moteur de notre trajectoire existentielle. Voilà qui peut aider à comprendre la trajectoire de Jérémie.
L’appel nous aide également à situer la phrase du Christ quand il dit « me reconnaître devant les fils d’homme » ou « me balayer d’un revers de la main devant les fils d’homme ».
« Me reconnaître devant les fils d’homme » c’est ce que le Christ n’a cessé de faire par rapport au Père et cela a généré de l’adversité.
L’adversité émerge non pas parce que les gens seraient foncièrement mauvais, comme marqués d’un funeste sceau (il y a bien sûr des gens qui sont structurés dans le malfaire).
 
En fait, l’adversité émerge parce qu’il semble que les gens préfèrent une altérité qu’ils se donnent, au lieu de la recevoir. Ce choix est un peu contradictoire.
En fait, les humains ont bien compris que la structure de la vie inclut autrui, qu’elle passe par autrui. En d’autres termes, nous sommes des êtres ouverts, des êtres de sens. Donc, notre existence passe par autrui, mais un véritable autrui, pas l’autre que nous nous donnons, car cet autre est en réalité un même, pas un autre.
En effet, s’il y a un trait foncier et récurrent chez l’être humain, c’est que dès qu’il s’agit de sens, son réflexe premier est de recourir au même au lieu d’un autre absolu.
 
Ce réflexe est très puissant et donne lieu à des batailles, des affrontements, voire la mort.
 
Le même semble plus gérable, plus contrôlable ou plus raisonnable que l’autre. Avec l’IA, nous sommes avec le même, pas avec l’autre, car nous sommes dans un jeu de miroir avec nous-mêmes, d’où l’ambiguïté que nous entretenons avec cette technologie. Quoi qu’il en soit, la vie ne s’épanouit que si la médiation passe par l’autre. Le même mène à l’enfermement et au dysfonctionnement du sujet et de la société.
 
L’autre est le don. C’est la forme même que prend l’événement de la rencontre.
 
Si vous avez eu une expérience de rencontre amicale, amoureuse, scientifique, artistique, intellectuelle, spirituelle, etc. alors vous êtes en situation de comprendre ce qu’est la révélation, car c’est la même structure.
 
Le Christ est venu pour la rencontre, il fait irruption dans la vie comme une rencontre. La rencontre est la grâce, la révélation du visage de l’autre.
Celles et ceux qui connaissent cet événement fondateur deviennent des témoins de cette grâce.
De même, les Jérémie et autres Théophile deviennent signe de l’identité de l’autre absolu par la ‘reconnaissance du Christ devant les fils d’homme’. Par-là, ils témoignent de l’intensité de la vie que génère l’accueil du Christ comme autre, car Dieu veut que tous les humains aient la vie en plénitude, car c’est notre bien propre.
 
Les oiseaux ont la vie d’oiseau en plénitude, comme les plantes ont la vie de plante en plénitude.
 
Serions-nous prêts à connaître une trajectoire en deçà de celle des oiseaux ou des plantes ?
 
Roland Cazalis, compagnon jésuite
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