Cette présence, on la nomme "réelle", non à titre exclusif, comme si les autres présences n'étaient pas "réelles", mais par excellence ou "antonomase", parce qu'elle est substantielle, et que par elle le Christ, Homme-Dieu, se rend présent tout entier.
Ce serait donc une mauvaise explication de cette sorte de présence que de prêter au Corps du Christ glorieux une nature spirituelle ("pneumatique") omniprésente; ou de réduire la présence eucharistique aux limites d'un symbolisme, comme si ce Sacrement si vénérable ne consistait en rien autre qu'en un signe efficace "de la présence spirituelle du Christ et de son union intime avec les fidèles, membres du Corps Mystique". […]
Le Concile de Trente, appuyé sur cette foi de l'Eglise, "affirme ouvertement et sans détour que dans le vénérable Sacrement de la Sainte Eucharistie, après la consécration du pain et du vin, notre Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, est présent vraiment, réellement et substantiellement sous l'apparence de ces réalités sensibles". Notre Sauveur est donc présent dans son humanité non seulement à la droite du Père mais en même temps dans le Sacrement de l'Eucharistie "en un mode d'existence que nos mots peuvent sans doute à peine exprimer, mais que notre intelligence, éclairée par la foi, peut cependant reconnaître et que nous devons croire fermement comme une chose possible à Dieu".
Paul VI (1897-1978), Encyclique Mysterium Fidei, 3 septembre 1965.
Avec toute la tradition de l'Eglise, nous croyons que, sous les espèces eucharistiques, Jésus est réellement présent. Il s'agit d'une présence qui — comme l'a si bien expliqué le Pape Paul VI — est dite «réelle» non par exclusion, comme si les autres formes de présence n'étaient pas réelles, mais par antonomase, car, en vertu de cette présence, le Christ tout entier se rend substantiellement présent dans la réalité de son corps et de son sang (Cf. Encycl. Mysterium fidei (3 septembre 1965), n.39). C'est pourquoi la foi nous demande de nous tenir devant l'Eucharistie avec la conscience que nous sommes devant le Christ lui-même. C'est sa présence même qui donne à toutes les autres dimensions — repas, mémorial de la Pâque, anticipation eschatologique — une signification qui va bien au-delà d'un pur symbolisme. L'Eucharistie est mystère de présence, par lequel se réalise de manière éminente la promesse de Jésus de rester avec nous jusqu'à la fin du monde. […]
Il convient tout particulièrement, aussi bien dans la célébration de la Messe que dans le culte eucharistique hors de la Messe, de développer une vive conscience de la présence réelle du Christ, en prenant soin d'en témoigner par le ton de la voix, par les gestes, par les mouvements, par le comportement tout entier. A cet égard, les normes rappellent - et j'ai eu moi-même l'occasion de le rappeler récemment (Cf. Message Spiritus et Sponsa, pour le XLe anniversaire de la Constitution Sacrosanctum Concilium sur la Sainte Liturgie (4 décembre 2003), n.13) - l'attention qui doit être portée aux moments de silence dans la célébration comme dans l'adoration eucharistique. En un mot, il est nécessaire que les ministres et les fidèles traitent l'Eucharistie avec un très grand respect (Congr. pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, Instruction Redemptionis Sacramentum sur certaines choses à observer et à éviter concernant la très sainte Eucharistie (25 mars 2004). La présence de Jésus dans le tabernacle doit constituer comme un pôle d'attraction pour un nombre toujours plus grand d'âmes pleines d'amour pour lui et capables de rester longuement à écouter sa voix et à entendre presque les battements de son cœur. « Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! » (Ps 33 [34], 9).
En cette année, puisse l'adoration eucharistique en dehors de la Messe, constituer un souci tout spécial des communautés paroissiales et religieuses ! Restons longuement prosternés devant Jésus présent dans l'Eucharistie, réparant ainsi par notre foi et notre amour les négligences, les oublis et même les outrages que notre Sauveur doit subir dans de nombreuses parties du monde. Dans l'adoration, puissions-nous approfondir notre contemplation personnelle et communautaire, en nous servant aussi de textes de prière toujours imprégnés par la Parole de Dieu et par l'expérience de nombreux mystiques anciens ou plus récents! Le Rosaire lui-même, entendu dans son sens le plus profond, biblique et christocentrique, que j'ai recommandé dans la Lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae, pourra être une voie particulièrement adaptée à la contemplation eucharistique, réalisée en compagnie de Marie et à son école (Instruction Redemptionis Sacramentum, n. 137).
Jean-Paul II (1920-2005), Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine (16 & 18), 7 octobre 2004.
Précisément parce qu'il s'agit d'une réalité mystérieuse qui dépasse notre compréhension, nous ne devons pas nous étonner si, aujourd'hui encore, de nombreuses personnes ont du mal à accepter la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Il ne peut en être autrement. Il en fut ainsi depuis le jour où, dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus déclara publiquement être venu pour nous donner en nourriture sa chair et son sang (cf. Jn 6, 26-58). Ce langage apparut "dur" et de nombreuses personnes se retirèrent. A l'époque, comme aujourd'hui, l'Eucharistie demeure "un signe de contradiction" et ne peut manquer de l'être, car un Dieu qui se fait chair et se sacrifie pour la vie du monde met en crise la sagesse des hommes. Mais avec une humble confiance, l'Eglise fait sienne la foi de Pierre et des autres Apôtres, et proclame avec eux, tout comme nous proclamons : "Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle" (Jn 6, 68). Renouvelons nous aussi ce soir la profession de foi dans le Christ vivant et présent dans l'Eucharistie. Oui, "c'est un dogme pour les chrétiens, / que le pain se change en son corps / que le vin devient son sang".
Benoît XVI, Homélie en la solennité de la Fête Dieu, jeudi 7 juin 2007.
http://www.spiritualite-chretienne.com/eucharistie/eucharistie-02.html