[…] Quel mystère merveilleux que de vivre de la vie du Christ! Ce n’est pas seulement nos vies que nous vivons mais c’est la vie du
Christ qui se poursuit. La mission de Jésus est de donner sa vie pour que d’autres puissent vivre. En Jean 6, 51, Jésus dit : « Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel . Si quelqu’un
mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai c’est ma chair pour la vie du monde. » Jésus, le pain de vie, est un don du Père, un don qui nous vient du ciel. Ceux qui mangent
de ce pain, qui reçoivent Jésus dans leur vie, dans leur personne même, auront la vie. Jésus va donner sa vie pour que d’autres aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. À chaque Eucharistie,
nous proclamons : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu’il ait la vie éternelle (Jean 3, 16). Étant donné que la vie
du Christ est toujours orientée vers les autres, l’Église doit partager cette vie avec le monde. La vie du Christ est le don à l’Église qui doit être le don de l’Église au monde.
Donc, dans l’Eucharistie, non seulement nous recevons la vie du Christ, mais ce don précieux nous pousse à louer et adorer le
Dieu trinitaire, le Père, le Fils et le Saint Esprit. Enfin l’Eucharistie ne manque pas de faire naître, dans les coeurs reconnaissants, la louange et l’adoration que Dieu mérite mais, dans notre
culte et notre adoration, nous nous rendons compte que c’est Jésus qui nous guide vers le véritable culte et adoration. Donc nous allons traiter ces deux éléments de la vie de l’Eucharistie, un
culte spirituel et une adoration authentique.[…]
Le culte spirituel du baptisé :
[…] Je me rappelle une expérience que j’ai faite sur la place du marché de notre petite ville d’Imus, qui est le siège de notre
diocèse. Un samedi matin, je suis allé au marché pour voir le prix des marchandises et la condition des vendeurs et des vendeuses au marché. J’ai vu une femme qui vendait des fruits et des
légumes dans un coin. Elle était l’une de celles qui viennent à la messe le dimanche. Il n’était que 10 heures du matin et je voyais qu’elle fermait son échoppe. Alors je lui ai demandé pourquoi.
Elle m’a dit : « Je fais partie d’un groupe de prière et nous avons une grande assemblée de prière, cet après-midi, et on m’a confié certaines responsabilités, alors je veux arriver tôt. » En
entendant cela, mon côté pragmatique est ressorti et je lui ai répondu : « Le Seigneur va comprendre si vous travaillez un peu plus longtemps. Il faut que vous fassiez vivre votre famille. Vous
pourriez avoir besoin d’un peu plus de revenu, je suis certain que le Seigneur va comprendre.» Avec un sourire, elle m’a répondu : « Mais, Monseigneur, le Seigneur a toujours été très bon pour
nous. Le Seigneur nous a toujours soutenus. Nous ne sommes pas riches, mais nous ne manquons de rien, pourquoi est-ce que j’aurais peur? » Puis, ensuite, elle m’a regardé et m’a dit : « Est-ce
que vous n’êtes pas évêque? Est-ce que vous ne seriez pas supposé m’encourager dans ma foi? » Vous savez, frères et soeurs, j’étais très embarrassé. Mais pour moi c’était une expérience de culte
spirituel. Moi qui suis sensé être la présence reconnue de Dieu, j’étais l’objet d’une révélation et on me montrait que je représentais mal Dieu. Cette femme toute simple qui faisait don
d’elle-même à Dieu dans la confiance et dans l’amour de sa famille est devenue pour moi révélation de la présence de Dieu. Elle a apporté le sacrifice eucharistique et le culte spirituel de
Jésus, elle l’a fait passer de l’élégante cathédrale au marché, à la place du marché, avec son bruit et toute sa saleté. Je suis sûr que Dieu était ravi.[…]
L' adoration authentique :
[...] J’ai visité un quartier pauvre d’une paroisse qui avait mis sur pied un programme d’alimentation pour les enfants
sous-alimentés. Les parents étaient invités à superviser les repas des enfants. Alors que j’étais dans la salle assez bruyante, une adolescente qui était en train de faire manger un jeune garçon
a retenu mon attention. Elle était probablement sa soeur aînée, je pensais. Alors je me suis approché d’eux et je leur ai demandé où était la mère. Elle cherchait un travail, ce jour-là, m’a-t-on
répondu. Alors elle avait envoyé sa grande fille pour faire manger le petit garçon. Pensant qu’elle avait aussi faim que le petit, je lui ai demandé : « Tu as mangé? » « Non », m’a-t-elle dit, «
je ne fais pas partie du programme, j’ai déjà treize ans. » J’étais très surpris par son honnêteté. Pour des enfants affamés, c’était l’occasion de tricher, personne ne regarde, une cuillère pour
toi, une cuillère pour moi, Mais elle était tout à fait honnête. Je lui ai répondu : « Je vais demander à un bénévole de te donner un repas, s’il reste un peu de nourriture après que tous les
enfants auront mangé. » Reconnaissante mais un peu gênée, elle a dit : « Non, Monseigneur, il y a beaucoup d’autres enfants qui ont faim dans ce village, donnez-leur, à eux, la nourriture qui
restera.» J’étais plongé dans un silence profond. «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi ces enfants ont-ils faim?» Et je priais. Mais je me suis quand même exclamé : « Je ne m’attendais pas à trouver
autant d’amour, d’honnêteté et de partage en ce lieu de mort. Vraiment, ce sont là des enfants de Dieu! »
Dans l’adoration eucharistique […] Prenons nous aussi le temps de regarder les victimes innocentes de notre temps. Peut-être
pourrons-nous toucher Jésus, lui qui connaît leurs larmes et leur souffrances, car il les a adoptées et il leur porte l’espérance de l’amour. En regardant notre prochain qui souffre, nous
pourrions être changés comme le centurion, nous pourrions nous aussi discerner la vérité et proclamer la foi. Et quand les gens regarderont comment nous portons la croix les uns des autres dans
l’amour, eux aussi reconnaîtront l’innocence et ils reconnaîtront en nous le Fils de Dieu. Adorons Jésus qui a offert sa vie comme un don au Père et qui a insufflé l’Esprit Saint sur nous,
pécheurs. Adorons-le pour nous, pour les pauvres, pour la terre, pour l’Église et pour la vie du monde.
Très Révérend Luis Antonio Gokim Tagle, S.T.D.(2008)
http://www.vatican.va/roman_curia/pont_committees/eucharist-congr/documents/rc_committ_euchar_doc_20080619_eucar-tagle_fr.html