Aujourd’hui nous fêtons Sainte Jeanne-Françoise de Chantal. Sa vie nous enseigne en quoi consiste la sainteté. Elle a vécu une fidélité amoureuse à Dieu, comme jeune fille, comme épouse, comme mère, comme veuve, comme religieuse… Elle est ainsi la patronne de toutes les vocations ; et connaître sa vie explique pourquoi.
Une vie de famille toute simple Jeanne Frémyot naît le 23 janvier 1572, à Dijon. Elle perd sa mère rapidement. Son père, Président du Parlement de Bourgogne, élève avec soin ses enfants, veillant lui-même à leur éducation religieuse. Jeanne est vive et enjouée, curieuse de tout. Très tôt, elle demande à Marie d’être sa vraie mère. C’est l’époque des guerres de religion, qui bouleversent la fillette. Elle se sent profondément catholique et sa famille soutiendra indéfectiblement le roi de France. Au moment de sa confirmation, Jeanne ajoute à son prénom celui de Françoise. Elle a presque 21 ans quand elle épouse le baron Christophe Rabutin de Chantal. Appelé pour le service du Roi, son époux est souvent absent. Jeanne doit s’occuper seule du château et des biens de la famille de Chantal ; énergique et pieuse, elle se consacre à ces responsabilités et à sa famille, réservant les distractions pour les moments de présence de son époux. Le ménage est très heureux.
Les épreuves de la vie Deux premiers enfants meurent à la naissance, mais Jeanne-Françoise donne ensuite naissance à un garçon, Celse-Bénigne, puis à Marie-Aimée, Françoise et Charlotte ; elle restera toujours très attentive à leur éducation. Début 1601, Christophe de Chantal décide de quitter la Cour pour vivre auprès des siens. Mais alors que vient de naître leur dernier enfant, il meurt victime d’un accident de chasse. Le choc est terrible pour Jeanne, qui a 29 ans. Son beau-père lui ordonne alors de venir habiter chez lui ; ce sont des années difficiles. Le Baron de Chantal est acariâtre, il a confié sa maison à une servante-maîtresse. Mais la foi de Jeanne est solide, elle s’appuie sur la prière, elle se consacre à ses enfants, elle les catéchise et s’occupe aussi des bâtards du château et de tous ceux qu’elle peut aider. Déjà, elle met en pratique les vertus qui seront les axes de sa vie spirituelle : la charité, l’humilité.
La naissance d’une vocation
L’évêque de Genève résidant à Annecy, Jeanne et trois autres sœurs s’installent donc dans « la Galerie » petite maison des faubourgs d’Annecy. Et c’est le début de « La Visitation sainte Marie », en hommage à ce mystère de la vie humble et cachée de Marie. François de Sales est très attentif à cette petite communauté, qui met l’oraison au cœur de sa vie. Des visites aux malades débutent en 1612, mais elles sont limitées. Quelques années plus tard, quand des monastères seront créés à Lyon puis à Moulins, les moniales ne sortiront plus. Mère de Chantal se consacre à ses religieuses et à la croissance de son ordre. L’abondante correspondance, qu’elle laissera, en porte témoignage. Elle continue de s’occuper de ses enfants : son fils se marie. Il mourra plus tard, laissant une fillette, qui deviendra Madame de Sévigné. Marie-Aimée, veuve elle aussi, meurt à la naissance de son premier enfant. Seule Françoise, et ses deux enfants, survivront à Jeanne. Le 28 décembre 1622, le décès de François de Sales, à 55 ans, la laisse seule, alors que les monastères sont de plus en plus nombreux. Elle s’occupe de tout avec la foi, le courage et l’énergie qu’elle avait jeune femme pour s’occuper du château de son mari, qu’elle a eu jeune veuve pour élever seule ses enfants. Quand elle meurt, en décembre 1641, la Visitation est un ordre important, comptant 87 monastères.
Ainsi, successivement vierge, épouse, mère, veuve et religieuse, Jeanne-Françoise de Chantal est bien la patronne de tous les états de vie. La jeune Baronne puis la Mère de Chantal a été dévorée par l’amour de Dieu “il nous faut tout quitter pour rester à la merci de l’amour divin, afin qu’il fasse de nous ce qu’il lui plaira”. Pour elle, “si vous cherchez Dieu, vous le trouverez partout”. Saint François de Sales estimait que la dévotion n’était pas réservée aux personnes consacrées, mais devait avoir sa place dans chaque vie. Jeanne l’a écouté ; dans tous les états de sa vie elle a servi son Seigneur ; elle a fait merveilleusement sienne le conseil de “leur bienheureux Père” : “C’est là où Dieu nous a plantés qu’il nous faut savoir fleurir.”
Voilà aussi un témoignage de sa manière d’envisager la vie à la suite du Christ, non pas le martyre mais un amour au quotidien…
Toute la vie de contemplative de Jeanne-Françoise de Chantal peut se résumer dans ce qu’écrit sa petite nièce par alliance, la Mère de Chaugy, qu’on peut intituler : « Le martyre d’amour » : Un jour la bienheureuse Jeanne dit ces paroles de feu, qui furent fidèlement recueillies sur le champ : "Mes chères filles, saint Basile, ni la plupart de nos saints Pères et piliers de l’Eglise, n’ont pas été martyrisés. Pourquoi vous semble-t-il que cela soit arrivé ? ". Après que chacune eut répondu : "Et moi, dit cette bienheureuse Mère, je crois que c’est parce qu’il y a un martyre qui s’appelle le martyre d’amour, dans lequel Dieu soutenant la vie à ses serviteurs et servantes, il les rend martyrs et confesseurs tout ensemble" ». Nous connûmes qu’elle parlait d’elle-même. Une Sœur lui demanda combien ce martyre durait. « Depuis le moment, répondit-elle, que nous nous sommes livrées sans réserve à Dieu jusqu’au moment de notre mort, mais cela s’entend pour les cœurs généreux, et qui, sans se reprendre, sont fidèles à l’amour. Les cœurs faibles et de peu d’amour et de constance, Notre Seigneur ne s’applique pas à les martyriser. Il se contente de les laisser rouler leur petit train, de crainte qu’ils ne lui échappent, parce qu’il ne violente jamais le libre arbitre ». On lui demanda si ce martyre d’amour ne pouvait jamais égaler le martyre corporel. « Ne cherchons point, dit-elle, l’égalité, quoique je pense que l’un ne cède rien à l’autre, car "l’amour est fort comme la mort", et les martyrs d’amour souffrent plus mille fois en gardant leur vie, pour faire la volonté de Dieu que s’il en fallait donner mille pour témoigner de leur foi, de leur amour et de leur fidélité ».