Dans cette famille, les enfants ayant atteint l’âge de raison choisissent, pour le temps liturgique ordinaire, s’ils vont à la messe ou pas, car les parents estiment que la relation à
Dieu doit être le lieu par excellence de l’exercice du libre-arbitre. Cependant, périodiquement, l’un ou l’autre pris individuellement se voit fermement invités à y participer, même durant le
temps ordinaire. Pour les temps forts, tout le monde participe. Ainsi en est-il de la Toussaint…
« Je veux bien aller aux messes des grandes fêtes, mais là, quand même, ce n’est que la Toussaint. Je préfère fêter Halloween, c’est plus rigolo », contesta l’un des enfants.
« Comment se déguise-t-on à Halloween ? » reprit l’un des parents.
« En fantôme, en sorcière ou en vampire, c’est trop rigolo, et nous, on n’a même pas de ces costumes, pas mêmes des bonbons pour donner aux autres.
– Et la Toussaint, n’est-ce pas une fête ? Ne préparons-nous pas un bel apéro et un bon repas, avec des invités ?
– Ouais, mais on ne s’éclate pas.
– Que fête-t-on à la Toussaint ?
– Eh bien, les défunts !
– Bien sûr que non, c’est le lendemain. On fête TOUS-les-SAINTS.
– C’est pareil, ils sont tous morts !
– Non. D’abord tous les morts ne sont pas saints ; et tous les saints ne sont pas morts.
– Bouh, ça y est, c’est compliqué, comme d’habitude avec toi. En tous cas, moi, tous les saints que je connais sont morts.
– Bien sûr, car on ne parle, le plus souvent, que des morts, pour qui l’Eglise a pris le temps de reconnaître leur sainteté et a jugé bon de la faire connaître, pour qu’elle soit une balise parmi d’autres sur la route des chrétiens. Mais te souviens-tu par exemple de Mère Teresa de Calcutta ? De son vivant, on la tenait déjà pour sainte.
– Bien sûr que je m’en souviens.
– Et toutes les sœurs Missionnaires de la Charité, à sa suite, ne sont-elles pas saintes ?
– Oui.
– Ah !? Et pourquoi sont-elles saintes selon toi. Qu’est-ce que la sainteté ?
– La sainteté, c’est la charité vécue pleinement, c'est-à-dire l’amour de Dieu par-dessus toute chose et l’amour du prochain », répondit doctement la sœurette Encyclopédia.
« C’est bien ce que je dis ; les sœurs Missionnaires de la Charité sont saintes », reprit l’enfant soulagée.
« Donc la Toussaint, c’est la fête des saints déjà au Ciel et de ceux parmi nous.
– Ben, et nous ?
– Dès l’origine, l’Eglise, par saint Paul et beaucoup d’autres, appelait les chrétiens des saints, du fait de leur baptême. Donc on pourrait dire que nous sommes comptés parmi eux. On est déjà saint en même temps que pas encore, c’est à dire pas en plénitude.
– Je ne comprends rien, mais bon c’est dingue, ça. Alors la Toussaint, c’est aussi notre fête ?
– D’une certaine manière, oui. On pourrait même dire que c’est la fête de la Communion des saints. Il y a une unité mystérieuse, et, d’une certaine manière, une participation, une préoccupation et un lien réciproques des uns à ce que vivent les autres. Bref, il y a là les prémices de ce pour quoi le Christ s’est incarné : restaurer la pleine communion de l’humanité avec son Créateur et Père. Ainsi la Toussaint, c’est le signe joyeux de l’accomplissement et de la réalisation du salut opéré par le Christ.
– J’ai toujours rien compris… Bon, on y va à cette messe, ou pas ?
V†G
Illustration : Les précurseurs du Christ avec les saints et les martyrs. Fra Angelico, 1423-1424 - Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:All-Saints.jpg