Perdu dans l’agitation du monde, il vit intensément ; c’est Paul. Un Autre l’a saisi, qu’on appelle « le Seigneur ». « On », c’est Paul, c’est les premières églises, les Anciens comme ceux de l’Église d’Éphèse. C’est aussi des Juifs ou d’autres qui complotent contre lui. Ils se réfèrent au même Seigneur. Le « Seigneur », l’Insaisissable, l’Invisible, ne laisse pas en paix. C’est pas drôle de semer ton évangile si c’est pour se faire attaquer par ses propres frères !
« Notre combat : recevoir la vie », je repense souvent à cette parole d’un ami. Choisir la vie, la recevoir d’un Autre, de toi « Seigneur », semble générer une bagarre. C’est surprenant. Est-ce encore vrai aujourd’hui où la règle est plutôt de taire sa foi ou de la vivre en cercle fermé. Mais alors ce n’est plus l’évangile. Pour Paul, l’évangile c’est toute sa vie. Il vit dans sa chair ce qu’il suscitait avant sa conversion, quand il entendit « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? ». C’est là qu’il a reçu la vie, dans les pauvres de Dieu qu’il emprisonnait par zèle pour le Seigneur quand il était un champion de la Loi. Il a reçu là l’évangile de « la grâce de Dieu ». Jésus le Christ vient ouvrir les pauvres de Dieu, les infirmes, les aveugles, les paralysés, sourds, muets, lépreux, à la vie gracieuse de Dieu barrée par une Loi dont certains faisaient une prison. C’est cela qu’il a tant désiré annoncer, « en public, ou de maison en maison », aux Juifs comme « aux périphéries », aux Chrétiens comme aux athées. Il ne pouvait qu’annoncer ce qui faisait sa joie, sa vie, sa paix intérieure. Libérer la vie, voilée par la peur et la jalousie, cela dérange les puissants, attachés à un pouvoir. C’est là que l’évangile demeure encore à annoncer aujourd’hui. Sinon je resterai captif du Jaloux, et d’autres aussi, enfermés à ne chercher qu’à être « aussi bien que » lui ou elle, à avoir autant que lui ou elle, à se suffire à soi-même. Le Seigneur qu’annonce Paul est le Dieu des vivants, pas des morts, voilà son évangile.
Olivier de Framond, compagnon jésuite
Ac 20, 17-27 ; Ps 67 (68), 10-11, 20-21 ; Jn 17, 1-11a