Nous retrouvons la différence entre l'œuvre pour Dieu et l'œuvre de Dieu. La première manière, œuvrer pour Dieu, est pleine de soi-même. La deuxième, faire l'œuvre de Dieu, est tournée vers Dieu. Je peux être un champion pour Dieu, à faire plein de choses pour lui, et entendre un jour Dieu me parler pour la première fois et me dire : « je ne t'ai jamais connu ». Qui est-il, celui que je pense et veux servir ? Une ombre de moi-même, plein de mes préoccupations, ou le Seigneur de l'univers, notre Créateur et Seigneur, comme aimait l'appeler notre père Ignace ? L'Évangile de Matthieu appelle à une prière véritable : une prière qui parle au cœur, une prière qui vit la Parole de Dieu, à tel point qu'elle devient action, œuvre de Dieu en un vivant créé à son image. Une telle prière, qui est une disposition à Dieu et à ce qui m'entoure, donne de traverser les eaux, de supporter les torrents qui se déversent, de tenir face aux vents contraires - qui manquent rarement, par exemple avec les événements du pays et du monde aujourd'hui -.
Si nous voulons entendre le Seigneur nous parler au cœur avec d'autres surprises que « je ne vous ai jamais connus », nous avons à entrer dans une « vie-prière » qui se dispose à notre Seigneur et Créateur en ce qui fait notre vie, activités, services, engagements divers, temps libres, tout. Sinon les Nabuchodonosor de notre chère planète sauront nous occuper et nous faire sentir leur pouvoir. Le Christ n'a pas cherché à les éviter, et il n'a pas demandé à ses amis de les fuir non plus. Mais, allant son chemin au milieu d'eux, il demeure le Fils bien-aimé de son Père, tourné vers l'œuvre de Dieu. Il n'a pas cherché non plus un peuple bienveillant, une Église de rêve, il les reçoit comme ils sont, mais pour les appeler à devenir, au milieu de tout cela et pas ailleurs, « enfants de Dieu », des vivants recréés par l'haleine de l'Esprit. « Le dur roc du réel, soit je m'y brise soit je m'y construis », écrit une disciple.
Olivier de Framond, compagnon jésuite
2 R 24, 8-17 ; Ps 78( (79), 1, 2, 3, 4-5, 8, 9 ; Mt 7, 21-29