Bouh, il m’a tapé ! Il a pris mon tour de manège. Elle m’a dit que j’étais méchant. Il a pas fait son tour de vaisselle. Elle m’a laissé mettre le couvert tout seul. Il m’a piqué la Crimée et plein de trucs qu’étaient à nous. Elle m’a piqué Taïwan. Il m’a repris l’Alsace-Lorraine… Combien de fois devrais-je lui pardonner ? Une seule chose est heureuse : au lieu de ne voir que ce que l’autre te doit, regarde combien Dieu t’a donné et combien il est disposé à te donner bien au-delà de ce que tu peux lui rendre ! Le Seigneur, le sage Ben Sira dit qu’il tiendra un compte rigoureux de nos péchés. Le Fils de l’Homme, lui, le montre pas du tout comptable quand une demande de remise lui est adressée, qui le saisit aux entrailles. Avec nous il ne connaît que cela, sinon la vie s’arrête et s’enlise. Si un autre me fait du tort, le seul réflexe à tenir est de considérer combien le Seigneur porte sur moi un regard de don et de pardon. Réflexe pas naturel, semble-t-il ...
Se laisser accueillir par le regard aimant d’un Père pas comme les autres, il n’y a que ça pourtant. L’amour prend patience, dit Paul aux Corinthiens. Seul Dieu sait prendre patience. Seul Dieu sait endurer les pauvretés. Dieu ne connaît que ça : aimer. Est-ce que je l’aide à se donner ? Pas si je reste à récriminer, accroché à ma colère, à ma rancune. J’oublie une chose : combien je suis aimable à ses yeux. J’oublie la gratitude. A sa Passion, le maître, qui va partir comme un grand malfaiteur, aurait pu détester ses disciples et il trouve ce geste du lavement des pieds qui vient leur dire « merci » du fond du cœur et qui leur fait confiance pour conduire ses brebis, bien au-delà de leurs lâchetés, reniement, trahison, inintelligence. Avant Pâques, il est déjà pardon de Dieu ! Le miracle de Dieu, en Jésus, c’est ce cœur de compassion qui descend jusqu’à nous. C’est ce regard qui a nourri les foules. Il me reste encore à l’accueillir. Tant que nous restons dans nos petits réflexes de mauvais comptables des torts d’autrui envers nous, l’Evangile et le Christ ne seront pas encore venus sur terre.
Olivier de Framond, compagnon jésuite
Si 27, 30. 28, 7 ; Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 9-10, 11-12 ; Ro 14, 7-9, Mt 18, 21-35