Nous sommes invités à entendre avec tout notre cœur, toute notre âme et toute notre force, deux questions aujourd'hui. La première vient de Josué : "Qui voulez-vous servir ?". La seconde émane de Jésus : "Voulez-vous partir, vous aussi ?" Servir le Seigneur semble facile à dire, le vivre est autre chose. Quant à partir nous aussi, il ne restera plus grand monde après la messe ! ...
Qui voulez-vous servir ? Le peuple a cheminé, le voici aux portes d'une terre promise. Terre promise qui demeure à venir. Ce peuple semble s'être familiarisé à son Berger au nom imprononçable, que Moïse appelle "JE SUIS". C'est le Seigneur. Personne ne l'a jamais vu. C'est le compagnon de route qui les a sortis de l'esclavage et leur a fait traverser le désert. Nous ne voyons, servir le Seigneur suppose de reconnaître ce qui nous fait vivre, Celui qui nous fait vivre. Cela demande à s'exercer et à s'éveiller à une chose si rare, une espèce à cultiver, la gratitude. La gratitude est cette disposition qui me fait relire la vie comme une histoire sainte, donnée pour la faire fructifier. Il y a parfois des instants de gratitude qui valent une éternité ! Dieu merci. Je ne t'en donne pas beaucoup, de ces instants, et pourtant ...
Saint Paul évoque un autre service, celui de l'Eglise. Servir l'Eglise se vit, dit-il, en quittant son père et sa mère. Comme Abram, nous avons à quitter notre "pays", nos habitudes, et la maison de nos pères. Si servir l'Eglise invite à cela, comme femme et mari le choisissent et le rechoisissent entre eux, voilà en effet un service vivant. On n'est pas dans une Eglise toute puissante ni dans un homme tout-puissant, à qui se soumettre. Les mots de Paul ont leurs limites à comparer l'homme au Christ, et la femme à l'Eglise, et l'homme a autant lui aussi à "se soumettre" à sa femme, mais passons.
"Voulez-vous partir vous aussi ?" Cela fait suite au discours de Jésus sur le pain de vie. Manger sa chair, boire son sang, mais c'est scandaleux ! Et bien non, semble-t-il, ce n'est que paroles qui sont esprit et vie, nous dit Jésus. L'Esprit peut donc scandaliser, pas grave ! Il ajoute que "la chair n'est capable de rien". Manger sa chair, c'est donc accueillir l'Esprit qui fait vivre. Les disciples qui ne sont pas partis auront vu leur maître et ami disparaître, supprimé par ceux qui sont partis ou qui ne sont jamais venus. Ils sont encore là. Car ils ont reconnu que personne ne peut venir à lui si cela ne leur est pas donné par le Père. De nous-mêmes, nous ne pouvons ni servir le Seigneur ni choisir de le suivre, aujourd'hui comme hier et demain. Vive la gratitude !
Olivier de Framond, compagnon jésuite
Jos 24, 1-2a.15-17.18b ; Ps 33 (34), 2-3, 16-17, 20-21, 22-23 ; Ep 5, 21-32 ; Jn 6, 60-69