Bon temps de l'Avent - Dimanche 3 décembre 2023
Nous entrons dans le temps de l’Avent, un temps d’espérance, un temps de grâce.
Les termes que suggèrent les textes du jour sont éveil et veille.
Réveillez-vous et veillez !
En fait, les textes sont plus propices au retour du Christ lors de la Parousie que la fête qui nous attire en ce moment et qui va mettre une lumière caractéristique dans nos cours à mesure qu’elle s’approchera.
Nous sentons que nous ne nous sommes pas encore assez imprégnés de la grâce de la Nativité, car ce mystère est tellement profond et bienfaisant ; chaque année, nous l’éprouvons et nous nous en réjouissons.
Sans doute, quand l’humanité se sera rassasiée de la Nativité, elle pourra passer à la Parousie. Je ne suis pas dans les secrets de l’histoire…
Le premier texte que l’on nous propose fait partie du troisième Isaïe.
Nous sommes dans le contexte des premiers temps du retour de l’exil à Babylone, par vagues successives, et ne concerne au début que les plus humbles des Hébreux établis à Babylone.
Ceux qui ont fait fortune comme ceux qui sont à la cour de Babylone, ceux-là n’ont pas envie de partir tout de suite.
D’ailleurs, Jérémie avait dit aux Hébreux en exil, soyez prospères, car plus le pays sera prospère, plus vous serez à l’aise.
Soyez un étranger en exil, apprenez à être un étranger en exil, mais sans perdre votre identité.
Il faudra attendre le gouverneur Néhémie pour que la situation se débloque et que ce retour commence à porter ses fruits et réponde à l’espérance qu’il a suscitée.
C’est un aliyah avant sa promulgation, « l’année prochaine à Jérusalem !»
Alors, l’actualité nous montre que le retour ne se passe pas comme on le souhaiterait. La population locale qui reçoit les revenants d’exil ne le voit pas toujours d’un bon œil.
Dans l’histoire des peuples, il y a toujours et il y aura toujours, l’exode, qui amène à sortir d’un endroit de soi-même ; l’exil où l’on vous oblige à quitter vos terres contre votre gré, et où vous risquez de perdre votre liberté et votre identité.
Il y a la diaspora, où le groupe s’établit à l’étranger en formant des îlots et en gardant son identité. Là, les îlots apprennent à vivre en étranger.
Grâce à la Loi, les Hébreux ont conservé leur identité. Il y a d’autres peuples vivant en diaspora qui gardent leur identité. Ce n’est pas si évident sans tomber dans la dégénérescence génétique.
Le texte de Paul aux Corinthiens que l’on nous propose en reste à la salutation pour féliciter la communauté chrétienne qui a pris racine dans cette ville de Corinthe, ville qui a une certaine réputation à l’époque de la rédaction du texte.
Corinthe est le haut siège de l’autorité gouvernementale et principale ville commerciale de Grèce.
Dans l’esprit de beaucoup, Corinthe est synonyme de débauche et de luxure affichée, d’où l’expression « vivre à la corinthienne » pour signifier une certaine lubricité. On pratiquait le culte de la déesse Aphrodite, la Vénus romaine ou l’Astarté phénicienne et cananéenne ou l’Ishtar babylonienne. Ceci est lié à cela.
Paul a donc des motifs objectifs pour mettre en garde les chrétiens de Corinthe de rester éveillé, de ne pas succomber à l’odeur alléchée.
Paul dit plus ou moins à ces chrétiens de garder leur identité. Les chrétiens représentent un petit groupe par rapport à la masse de la population.
Mais la masse n’est pas le seul déterminant qui compte et Paul exhorte les chrétiens de Corinthe à compter sur leurs valeurs. Mais à la différence, l’identité n’est pas en opposition à celle des autres. Il s’agit d’une identité appelée à se répandre, une identité qui doit devenir une mission.
Ainsi, se garder ne signifie ni ghetto ni aristocratie. Ou, la seule aristocratie est celle de l’amour de l‘autre, n’importe quel autre, en référence à Dieu.
Il existe des minorités puissantes par leurs valeurs, et ces minorités deviennent insolubles dans la masse par leurs valeurs.
Voilà une réalité que l’Église actuelle a du mal à comprendre quand on passe de la masse à être minoritaire. Les autorités sont toujours à la recherche de la grande masse, alors que la minorité puissante par ses valeurs est plus efficiente que la masse amorphe.
Voilà pourquoi ces minorités attirent la colère sur elles, mais quand elles ne partagent pas avec les autres ce qui fait leur force. Il y aura aussi de la percussion, si l’identité de la minorité devient une menace pour les autorités locales qui craignent pour leur pouvoir. L’amour du prochain peut devenir une menace.
Si nous revenons au texte de l’évangile, l’exhortation à veiller est faite dans le cadre très intime. L’exhortation est faite à Pierre, Jacques et Jean et à un quatrième du nom d’André.
Veiller n’est pas un projet ou une attitude volontariste. Vous pouvez toujours commencer de cette façon-là ce qui prouverait votre bonne volonté. Ce n’est pas négligeable. « Aide-toi et le ciel t’aidera », dit l’adage.
En fait, veiller est la conséquence d’une relation de proximité avec le Seigneur.
Veiller est la conséquence d’une certaine intimité qui débouche sur cette forme de présence de l’autre à ma conscience.
En d’autres termes, ce n’est plus moi qui fais l’effort pour être présent à l’autre, sinon l’autre qui s’est installé dans ma conscience, car j’ai donné mon consentement et exprimé mon désir.
Ce n’est plus moi qui fais l’effort d’être présent à Dieu, sinon Dieu qui s’est installé dans ma conscience, car j’ai lui ai dit oui ; j’ai exprimé mon désir d’être son temple.
Alors, Dieu veille en moi.
Et c’est là que ma conscience exprime son choix : qu’est-ce que je préfère, vivre à la corinthienne ou que Dieu veille en moi ?
Les deux options ne sont pas compatibles ; nous ne sommes pas dans la morale, je le répète. Il s’agit d’existentiel, de choix de vie.
Voilà le sens de notre prière de ce jour d’entrée dans le temps de l’Avent.
Que Dieu veille en nous.
Et à la Parousie, que nous nous réveillons en Dieu.
Amen.
Roland Cazalis, compagnon jésuite (Merci à l'auteur de l'image)
Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7 Ps 79 (80), 2ac.3bc, 15-16a, 18-19 1 Co 1, 3-9 Mc 13, 33-37
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