Jardinier de Dieu

Jardinier de Dieu

Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


9 août 2020 - 19e dimanche ordinaire, année A

Publié par Roland Cazalis, compagnon jésuite sur 8 Août 2020, 16:10pm

Catégories : #homelie_cazalis

Je me suis attardé sur l’état d’âme des certains acteurs dans les textes qui sont proposés.

Paul dit qu’il a une grande tristesse dans le cœur, car ses frères juifs, en dépit de la richesse de leur héritage, n’ont pas vu en Jésus le Messie.

Il se produit alors une bifurcation dans leur histoire, ou une catastrophe cosmologique, car de deux choses l’une, si Jésus n’est qu’un prophète qui a franchi la ligne rouge, la chose est entendue. 

Mais si Jésus est le Messie, alors un doute est porté sur Dieu, car ce n’est pas le Dieu qu’ils connaissent, à moins qu’ils ne soient passés à côté d’un détail massif dans les Écritures. 

Pour illustrer ce type de bifurcation dans l’âme, je rappelle d’une anecdote. 

Elle est relative à un pasteur d’une Église quelconque, puisqu’il ne s’est pas présenté, qui sonne à la porte de l’église Saint Paul. On discute de manière très cordiale, et dans la discussion, il me dit, « nous croyons que ce n’est pas Jésus le Messie ». 

Je me disais en moi-même « Qu’est-ce que vous en savez ? »

En effet, la proposition « Jésus est -ou n’est pas- le Messie » est une affirmation qui débouche sur de l’indécidable.

Ce n’est pas par une démonstration de logique binaire, ternaire ou quaternaire, ou des arguments philosophico-théologiques que l’on prouve quoi que ce soit sur ce sujet !

C’est seulement par l’ouverture du cœur, ou la disponibilité à la grâce qui nous en donne l’assurance!

Et cette grâce, c’est aussi, c’est en même temps, pour accomplir sa vocation d’homme - il ne faut jamais l’oublier- et pour Israël, pour accomplir sa vocation de nation qui a reçu l’onction de la Révélation. Mais l’histoire n’est pas finie.

La grâce, c’est comme Dieu qui vient dans une brise légère à Élie. C’est à la fois simple, discret, et grandiose.

Il n’est pas venu dans la force implacable de l’ouragan, ou le fracas d’un tremblement de terre. De toute façon, ces fracas n’ajouteraient rien à ce qu’est Dieu et auraient même tendance à induire en erreur.


De la même manière, les démonstrations de logique très avancée, à la Kurt Gödel, que Jésus est le Messie ou n’est pas le Messie ne sont que des serpents qui se mordent la queue.

La vie que nous cherchons ne se trouve pas dans ce genre de machinerie équationnelle, car dans cette machinerie on ne trouve que ce que l’on y met.

Vouloir que Dieu vienne à vous, comme il est venu à Élie, c’est vouloir la vie que Dieu veut vous donner, et cela suppose d’avoir un grand désir et en même temps une grande humilité pour la recevoir, c.-à-d., un vrai désir de la vérité, qui ne se trouve pas dans les livres, car c’est une personne ou une présence.

Prenons le cas de Paul de Tarse. C’est un dialecticien en diable, sans doute le plus futé des apôtres. Il cherchait la vérité, cette vérité qui a la consistance d’une présence ; ce désir creuse l’attente, creuse l’humilité en vous.

Même quand Paul approuvait l’exécution de ceux qui transgressaient la Loi, il savait au fond de lui qu’il n’avait pas la vérité, il n’avait pour l’heure que les lettres. 

Le défi dans ce genre de situation est de parvenir à aligner le désir et le don.

Si votre désir est orthogonal au don, alors vous êtes dans la bifurcation et vous souffrez si vous désirez vraiment la vérité en vous.

Si une autre réalité a le pas sur « avoir la vérité en vous », alors votre désir sera orienté vers cette autre réalité sur laquelle il ne m’est pas donné de porter un jugement.

Néanmoins, dans la mesure où tout n’est pas possible dans une vie, il faut choisir sa meilleure part et s’y tenir ; je ne dis pas de s’en tenir là, mais au moins de s’y tenir, de persévérer, car c’est l’aventure d’une vie entière. 


Comme vous êtes des gens expérimentés, vous savez aussi que l’âme humaine est complexe.

Nous pouvons avoir le désir, celui de la vérité par exemple, et en même temps percevoir en son cœur, ou dans ses entrailles, de la résistance sous la forme de peur, de doute, de désir parasite qui vous retient dans la bifurcation.

Voilà pourquoi Pierre va jusqu’à dire « ordonne-moi de venir à toi » pour ne pas rester captif de ses résistances.  Cela vaut la peine de méditer cinq secondes sur cette phrase, sa structure et sa portée : « ordonne-moi, de venir à toi ». 

Cette exhortation est plus précise et plus explicite que « prends pitié de moi ».

Ceux qui sont familiarisés avec les exercices spirituels d’Ignace de Loyola ont sans doute reconnu cette phrase « ordonne-moi de venir à toi », car elle a été intégrée dans la prière « âme du Christ » « anima Christi » qui date du XIVème siècle et qui se trouve dans le manuel des Exercices et avec laquelle certains retraitants prient.

Comme le souligne Ignace de Loyola, ce genre de demande est pour ceux qui en veulent davantage.

Le « davantage » ici ne signifie pas « beaucoup plus », mais plutôt, une seule chose : la vérité comme présence, ou la présence de Dieu comme vérité de ma vie.
Roland Cazalis, compagnon jésuite

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