« Ma patronne, c’est la veuve de Sarepta », m’avait dit un jour un aîné. Elle m’apprend à entrer dans le royaume. Elle a en effet éprouvé la béatitude : « heureux vous les pauvres, le royaume de Dieu est à vous ». Ça ne veut pas dire que c’est facile. Elle fait l’expérience du manque. Manque affectif : le conjoint est parti, et avec lui, plein de repères. Manque de ressources, et en l’Israël de l’époque une personne veuve se retrouvait sans autre ressource que celle qu’elle pouvait trouver. Par contre cette femme éprouvée conservait ses charges ! Manque de forces pour faire face à ses charges de mère… En face d’elle, Élie me fait presque honte à demander sans gêne à la veuve qui n’a presque plus rien un peu d’eau, puis un morceau de pain, et ça ne lui suffit pas encore, une galette ! On est en période de grande famine. Heureusement Élie fait assez vite entendre que « jarre de farine ne s’épuisera, vase d’huile ne se videra ». Ouf, elle n’est pas tombée sur un qui dévore les biens des veuves ! Elle fait l’expérience que dans le manque la seule issue de salut est de donner ! Comme la veuve au Temple de Jérusalem qui suscite l’émerveillement de Jésus. « Elle a donné ce qu’elle avait pour vivre ».
Ces deux piécettes valent plus que l’or du monde. Elles sont la femme elle-même. Ce qui me touche, c’est que son geste pousse Jésus à appeler ses disciples. La bonne nouvelle, il la reçoit de cette pauvre, il la proclame, ne la garde pas pour lui. Peut-être cette veuve lui donne l’élan pour tenir dans l’offrande de Dieu qu’il va être bientôt, à sa Passion. Comme elle, il va donner sa vie pour ceux qu’il aime. Dans le manque, ce que Dieu donne, c’est la foi. La foi pour jusqu’au bout donner, la foi pour recevoir sa vie de Dieu, et même en abondance. On peut traverser des famines de toutes sortes, climatique, politique, humaine, Dieu demeure ce Pauvre qui dérange, qui appelle à donner de sa vie. Jésus, apprends-moi à manquer, avec Toi.
Olivier de Framond, compagnon jésuite
1 R 17, 10-16 ; Ps 145(146), 6c.7, 8-9a, 9bc-10 ; He 9, 24-28 ; Mc 12, 38-44