Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite
Transfiguration - Prendre à notre tour le chemin de conversion des premiers disciples...
À ce moment du Carême, l’Eglise nous propose, chaque année, d’entendre le récit de la Transfiguration. Essayons de comprendre pourquoi l’Eglise fait ainsi tous les ans pour le bien spirituel de ses fidèles. A ce moment du carême (deuxième dimanche), nous ne sommes plus au tout début avec l’appel au jeun, à la prière, au partage, et surtout à l’intériorité, à la vie cachée. Nous ne sommes plus non plus à percevoir en toute situation la dimension sous-jacente du combat spirituel tel que Jésus nous l’a révélée lors de ses quarante jours vécus au désert.
Nous sommes à vrai dire dans l’entrée du cœur même du Carême qui doit nous aider comme nous l’indique la prière d’ouverture du cinquième dimanche de Carême à « imiter avec joie la charité du Christ qui a donné sa vie par amour pour le monde ».
Aussi, je voudrais simplement pointer trois aspects pour que nous puissions, nous-mêmes, recevoir plus pleinement ce moment de la Transfiguration et entrer dans le cheminement proposé à tous les disciples du Seigneur dans l’histoire humaine, après le chemin ouvert par les premiers disciples, Pierre, Jacques, Jean et les autres...
Au travers de la Transfiguration du Seigneur, une transformation à vivre est bien proposée à ces trois hommes : Pierre Jacques et Jean. Cette transformation s’inscrit dans la durée. Elle sera telle qu’il ne faudra parler de cet événement inaugural qu’au terme, là où le sens sera de nouveau recevable, c’est-à-dire à la résurrection de Jésus d’entre les morts. En s’adressant à eux trois, Dieu le Père et Jésus font alliance avec ces hommes pour qu’ils puissent être témoins de l’action du Seigneur au travers des événements de l’histoire qui va venir. Ce moment de la Transfiguration est une promesse qui leur est adressée. Elle donne des gages, par d’une part la présence de Moïse et Elie, les représentants de l’Alliance ancienne, et par, d’autre part, la transformation aussi de l’aspect de Jésus qui donne la certitude du terme pour le chemin à prendre. Celui qui donne à Jésus de se transformer ainsi, pourra conduire l’histoire au terme qu’il annonce dans la transfiguration de son Fils. Cette manière de faire promesse est la signature même de Dieu. Pour toute vocation chrétienne, voire humaine, telle que le mariage, la vie religieuse, la vie sacerdotale et bien d’autres encore, le Seigneur qui appelle se manifeste sensiblement à nous, se transfigure pour nous donner de nous lancer dans l’aventure et pour aussi dépasser nos premières craintes.
Alors, ce moment du Carême où nous sommes est un moment favorable pour revenir à notre propre chemin de sainteté, faire mémoire à nouveau de l’appel reçu et qui fait que nous sommes dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui, heureux ou malheureux, léger ou peinant. Peut-être que notre chemin pourra, à cette occasion, nous apparaître sous un regard nouveau. La fin de la scène est précieuse parce qu’elle nous indique le chemin à prendre maintenant pour continuer sur notre chemin de vie, sur notre chemin de conversion. « Ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul ».
Le Père le dit aux trois hommes, il nous le dit à nous tous, et à chacun de nous, en particulier. « Écoutez-le ! ». C’est d’ailleurs ce que nous dit la prière d’ouverture « Tu nous as dit, Seigneur, d'écouter ton Fils bien-aimé ; fais-nous trouver dans ta Parole les vivres dont notre foi a besoin : et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire ». Sur notre chemin de vie, sur notre chemin de vocation, il nous est proposé d’écouter le Seigneur, de le contempler, de laisser son existence informer la nôtre pour trouver le sentier de vie. Le carême c’est aussi ce temps où nous considérons comment le Christ reçoit sa vie avec la rencontre de Samaritaine au puits de Jacob, comment il se comporte dans l’adversité avec l’aveugle-né et la colère de ses adversaires, comment il se situe devant la mort avec le réveil de Lazare... La vie de Jésus contemplée est une aide parce qu’elle vient éclairer notre propre vie, nous révéler là où nous pactisons avec les forces du mal, là où nous avons humblement à reconnaître notre faiblesse, notre péché là où nous avons tout simplement à nous adresser au Seigneur avec confiance et humilité, comme un ami parle à son ami, ou comme un serviteur parle à son maître dirait Saint Ignace de Loyola.
Ce moment de la Transfiguration du Seigneur est gros de toutes ces perspectives : la promesse d’alliance faite par le Père, l’aide de Jésus pour le chemin proposé. Par ailleurs, Pierre Jacques et Jean vivent intensément ces événements en évoluant de l’exaltation quand Pierre propose de fixer ce moment de transfiguration et d’apparition en dressant trois tentes, à la crainte qui les fait tomber tous les trois face contre terre où le Seigneur Jésus les relèvera doucement pour les inviter à le suivre. Ces mouvements d’exaltation, de crainte, de paix retrouvée mais aussi de joie, de douleur sont précieux parce qu’ils impriment dans le cœur des disciples un véritable chemin intérieur. Nous avons à y être attentifs pour nous-mêmes. A travers eux, le Seigneur nous conduit. L’enthousiasme qui naît en nous propulse, la douleur, à laquelle nous avons à consentir, nous transforme pour nous tourner vers la vraie vie, la douce paix enfin nous donne de remplir notre vocation, en marchant humblement avec notre Dieu, au rythme de nos proches.
Mes sœurs, mes frères, rendons grâce en ce deuxième dimanche pour cette nouvelle entrée en Carême, puissions-nous « écouter le Fils bien-aimé ; puissions-nous trouver dans sa Parole, dans ses gestes, dans ses attitudes, dans son existences les vivres dont notre foi a besoin : et puissions-nous vivre cette transformation de notre regard pour discerner sa gloire et le chemin où il nous appelle ».
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